La chute brutale des prix du pétrole provoquée par la crise économique menace les investissements indispensables pour répondre à la demande d'or noir dans les années à venir, se sont alarmés mercredi les grands acteurs du secteur réunis à Vienne sous les auspices de l'OPEP.

«Les prix du pétrole menacent la viabilité même des investissements dans toute l'industrie. Nous avons tous entendu parler de suppressions de projets, de retards et d'annulations. Cela met en péril l'offre de brut», a déclaré à Vienne le secrétaire général de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), Abdallah el-Badri lors d'un séminaire international sur l'énergie organisé par le cartel.

La flambée des prix du pétrole, qui s'étaient envolés jusqu'à près de 150 dollars en juillet, avait provoqué l'an dernier de fortes tensions entre consommateurs et producteurs, les premiers suppliant les seconds d'agir pour calmer les prix.

Dorénavant, alors que les prix se sont effondrés et peinent à dépasser les 50 dollars le baril de 159 litres, consommateurs et producteurs ont pris acte de la baisse des investissements dans l'exploration et souligné d'une seule voix le risque d'une nouvelle flambée des prix en raison du désinvestissement.

Pour ce qui concerne l'OPEP, quelque 35 projets d'exploration ont ainsi été retardés ou annulés depuis l'été.

«Les bas prix d'aujourd'hui préparent le terrain pour une nouvelle poussée de prix à l'avenir», selon le numéro deux du Fonds monétaire international (FMI), John Lipsky, qui s'exprimait devant les grands noms de l'industrie pétrolière.

«Plus les prix du pétrole chuteront et plus ils resteront longtemps bas, plus cela aura un impact négatif sur l'offre future de pétrole», a-t-il ajouté.

L'Agence internationale de l'énergie, qui défend les intérêts des consommateurs, a elle aussi exprimé son inquiétude.

Selon son directeur général, Nobuo Tanaka, «si trop peu de compagnies ont la volonté et la capacité financière d'investir pendant le cycle de baisse (des prix), cela conduira à une nouvelle pénurie de ressources et d'autres flambées des prix dans quelques années, quand l'économie sera en voie de rétablissement et que les capacités se resserreront de nouveau.»

Pour faire face au déclin des gisements pétroliers et répondre à la croissance de la consommation mondiale d'ici 2030, il faudra investir dans une capacité de production équivalente à sept fois la production de l'Arabie saoudite (8 mbj, ndlr), a rappelé M. Tanaka.

«D'ici 2030, deux tiers de la production mondiale proviendront de nouveaux champs pétroliers, qui attendent d'être développés aujourd'hui ou doivent encore être trouvés. Cela exigera des investissements très importants», a-t-il précisé.

L'OPEP estime que le niveau de prix requis pour continuer à investir est un baril à 75 dollars.

«Nous avons besoin de prix plus élevés. Nous espérons voir un prix raisonnable à partir duquel nous puissions investir» pour l'offre à venir, a martelé Abdallah el Badri.

Le bas niveau des cours «réduit la valeur de projets potentiels», par exemple dans les sables bitumineux au Canada, et «force les producteurs à rechercher des financements extérieurs», a également rappelé M. Lipsky.

L'OPEP estime que la consommation mondiale d'énergie augmentera de 50% en deux décennies, d'ici 2030.

Sur cette période, les énergies fossiles représenteront encore plus de 80% de l'énergie dans le monde. Parmi elles, «le pétrole continuera à jouer un rôle dominant, même si sa part sera légèrement inférieure d'ici 2030, a souligné M. el-Badri.