L'injection de 19,5 milliards US dans Rio Tinto (RTP) par la société d'État Chinalco représente le plus important investissement chinois réalisé à l'étranger, mais aussi un pas de plus dans la stratégie chinoise d'acquisitions de sociétés étrangères.

Le fort ralentissement de l'économie mondiale permet à la Chine de profiter d'occasions d'achat intéressantes. «La faiblesse des uns fait le bonheur des autres», note le politologue et spécialiste de la Chine Loïc Tassé, qui enseigne à l'Université de Montréal.

 

M. Tassé rappelle que la Chine disposait il y a quelques années d'une réserve de devises étrangères équivalant à 1000 milliards US.

Le pays a mis en place en 2007 un fonds souverain (China Investment Corporation) en y injectant un capital de départ de 200 milliards, avec l'intention de le porter à 1000 milliards. Il n'est toutefois pas assuré que ce niveau soit atteint à court terme, compte tenu de l'utilisation des réserves pour financer le plan de relance chinois de 600 milliards US.

Quoi qu'il en soit, l'objectif avoué du fonds souverain est d'acheter en tout ou en partie des sociétés étrangères, principalement dans le domaine de la gestion des fonds internationaux (notons les participations de 10% dans le géant des fonds privés américains Blackstone et la banque d'investissement Morgan Stanley) et dans le secteur des matières premières.

Bien que l'investissement dans Rio Tinto ait été effectué par une société d'État (et non un fonds souverain), il relève de la même stratégie. Et on pourrait en voir d'autres exemples dans les prochains mois.

«Dans un avenir proche, les entreprises de ressources chinoises vont regarder partout, et spécialement au Canada», dit Norman Steinberg, coprésident et associé principal chez Ogilvy Renault.

«La crise affecte la Chine, mais leur position n'est pas mauvaise cette année, souligne Loïc Tassé. Les Chinois sont en meilleure posture que d'autres, donc ils peuvent acheter. Il faut voir si le pays aura encore les moyens de sa stratégie l'an prochain.»

Fonds souverains

L'investissement de Chinalco - qui nécessite l'approbation du gouvernement australien - et de possibles acquisitions de la China Investment Corporation risquent de ramener à l'avant-plan la question des fonds souverains, plutôt craints par les pays occidentaux.

La crise de l'économie a mis un frein à leurs investissements. «Mais comme Chinalco, des fonds souverains ont la capacité de chercher de la valeur à travers le monde», explique Filip Papich, directeur général chez BMO Marchés des capitaux.

«Il y a beaucoup de capital au Moyen-Orient et en Extrême-Orient, poursuit M. Papich. Ici, on manque de capital. C'est un bon mariage.»

M. Papich voit dans la transaction Chinalco - Rio Tinto un bon signe à travers la grisaille économique. «Ça montre qu'on peut accéder à du capital», dit-il.

Meilleure transparence

Mais ce capital associé à des entreprises d'État ou des fonds souverains n'a pas toujours été accueilli à bras ouverts, comme quand Dubaï World, ce fonds qui a acquis 20% du Cirque du Soleil, avait voulu acheter des ports américains en 2006.

La crainte envers ces fonds n'est plus aussi aiguë, croit Norman Steinberg. «Les principes de Santiago, adoptés en septembre dernier par 26 pays, assurent une meilleure transparence. Et avec tous nos problèmes économiques, je ne pense pas qu'il y aura beaucoup de monde pour refuser des investissements.»