La Presse donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque semaine, un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite. Gilbert Rozon, président fondateur du Groupe Juste pour rire, répond aujourd'hui aux questions de Josée Fiset, cofondatrice de Première Moisson et vice-présidente du réseau de détail.

L'une de vos grandes qualités est votre capacité à innover. Comment réussissez-vous à transmettre ce gène créatif à votre équipe et quelle part de risque êtes-vous prêt à prendre pour alimenter de nouvelles idées ?

En leur criant après ! Non, c'est une blague. Sérieusement, le plus grand danger d'une entreprise, c'est l'embourgeoisement. Il ne faut jamais arrêter de se remettre en question. Il faut prendre des risques et se réinventer. Je pousse les employés à me surprendre. Je répète des mantras souvent, mais à la base, c'est le produit qui est important. Si le spectacle est bon, ça va marcher.

À vos débuts, avez-vous imaginé être à la tête de l'entreprise que vous dirigez maintenant ? Quel serait votre rêve le plus fou pour Juste pour rire ?

Je suis comme le gars qui a acheté un grand terrain pour se construire un domaine. Juste pour rire est une entreprise créative, et notre vocabulaire est large. Notre mission est de rendre les gens heureux. Je me suis donné l'espace pour le faire.

Mon rêve le plus fou est secret pour le moment, mais j'y travaille. Je souhaiterais par contre avoir plus de compétition. Je voudrais que d'autres festivals aient lieu en même temps que le mien. Montréal devrait compter encore plus de festivals en juillet pour devenir un incontournable et inciter les touristes, les artistes et les Québécois des autres villes à venir ici.

Vous êtes le moteur et l'âme dirigeante de Juste pour rire. Comment voyez-vous l'avenir de votre entreprise et sa pérennité au-delà de votre direction ?

Je suis dans une ère de transition depuis plus de cinq ans. Je prépare lentement mon départ. Je ne veux pas faire de népotisme. Il y a d'autres Rozon qui travaillent pour l'entreprise, mais ce n'est pas parce que tu portes ce nom que tu vas devenir le patron. Je pense aussi que certains ont peur de s'approprier Juste pour rire, parce que j'ai beaucoup incarné l'entreprise. Il faut trouver la bonne personne et la juste formule pour que ça continue.

Votre attachement envers Montréal est indéniable et contagieux, et votre engagement à titre de commissaire des fêtes du 375e en témoigne. Dans un monde idéal, à quoi ressemblerait Montréal à la veille de son 400e ?

J'espère que Montréal va se raffermir. Le maire Coderre aime sa ville, il nous amène vers l'avant, et j'ai envie de l'accompagner. Il faut rendre Montréal plus beau. On doit se donner une économie forte, avec des entrepreneurs et des sièges sociaux installés ici. On doit se donner une fierté aussi, et plus d'ambition. On pourrait exploiter notre culture bilingue, qui est très réussie. En plus, les immigrants ajoutent une valeur à ce choc des cultures.

Vous avez bâti votre entreprise sur le rire et vous avez souvent parlé de l'importance que doit prendre l'humour dans l'espace public. Quel est votre regard sur la société québécoise actuelle ?

Je ne sais plus si on connaît nos valeurs. Ma génération a voulu l'indépendance et le pouvoir. On s'est aussi donné une qualité sociale qui a déresponsabilisé les gens, parfois. J'ai assisté à une conférence de leaders récemment, et ils pensaient que l'État était la solution à tous les problèmes. La prochaine génération devra se battre plus, mais c'est une bonne chose, selon moi. On doit retrouver le sens de l'entrepreneuriat. On doit avoir une société qui se responsabilise, qui est débrouillarde et qui a du gros bon sens.

Le parcours de Gilbert Rozon en bref

• Âge : 60 ans

• Études : Gilbert Rozon est diplômé en droit de l'Université de Montréal.

• A fondé Juste pour rire en : 1983

• Nombre d'employés : plus de 200 permanents

• Avant d'être président : Il a fait mille et un métiers depuis qu'il est très jeune : livreur de journaux, ouvrier, puis fossoyeur, vendeur, imprimeur, organisateur d'événements, etc.

À lire la semaine prochaine :  Jocelyne Dallaire-Légaré, présidente d'Alfred Dallaire Memoria, répond aux cinq questions de Gilbert Rozon.