Il y a quelques années, Michel* a été catapulté à la tête d'une entreprise de télévision, afin de remplacer un gestionnaire qui partait en congé de paternité. Puisque son prédécesseur a su à la dernière minute qu'un enfant l'attendait en adoption, Michel a écopé d'un poste de direction sans réelle formation.

«Sur deux semaines, on s'est vu l'équivalent de trois jours, à coup de demi-heures, se souvient Michel. Il m'a présenté quelques dossiers, mais c'est tout. Je n'ai pratiquement pas eu de formation sur les tâches que je connaissais peu et il n'a pas pu m'expliquer le fonctionnement de l'organisation, faute de temps.»

Résultat: du stress et beaucoup de difficulté à suivre durant les réunions. «Je levais ma main sans arrêt pour poser des questions. On m'expliquait, puis on me demandait d'accomplir certaines tâches, sans me préciser si je devais faire ça tout seul ou si on le faisait ensemble. J'ai eu besoin d'environ trois mois pour être capable de répondre aux demandes, sans être pris au dépourvu.»

Dans un tel contexte, Catherine Privé, présidente de la firme spécialisée en gestion ALIA Conseil, suggère aux cadres de ne pas hésiter à demander de l'aide. «Certaines personnes veulent toujours avoir l'air en contrôle pour ne pas nuire à leur crédibilité, mais c'est l'ego qui parle. Et en gestion, l'ego n'a rien de bon. Il n'y a pas de mal à dire à son équipe qu'on ne maîtrise pas tous les détails, mais qu'on fait tout pour comprendre et qu'on a besoin d'eux.

«Quand on est parachuté comme l'a été Michel, demander de l'aide permet aussi de développer ses relations plus rapidement, ajoute-t-elle. Et il ne faut pas hésiter à faire appel à son supérieur immédiat. Il aidera certainement à clarifier les attentes et à identifier ceux qui peuvent nous aider.»

Règne conjoint

Dans un monde idéal, Michel et son prédécesseur auraient vécu un règne commun. «Pendant un trimestre, Michel aurait pu assister à des moments clés, comme la fin de l'année financière ou la planification budgétaire, explique Mme Privé. Puis, il aurait été présent quelques heures par semaine. Plus tard, les deux se seraient partagé le travail pendant une ou deux semaines. Et finalement, le gestionnaire sortant serait resté disponible pour quelques rencontres.»

Les entreprises ont-elles les moyens de payer deux gestionnaires en même temps? «Comme ce ne sont pas des employés payés à l'heure, ce n'est pas réellement un enjeu, répond-elle. Le nouveau peut reprendre plus tard les journées investies pour être formé par son prédécesseur. Ce n'est pas tant une dépense pour l'entreprise.»

Michel confirme qu'il aurait aimé vivre un cycle en duo pour mieux comprendre son nouveau poste. «J'aurais pu être mis dans le bain sur les décisions à venir, passer les dossiers en revue et discuter de ce qu'il pensait des employés. Comme on était deux gars assez différents, je n'avais pas peur que sa vision teinte ma perception.»

La spécialiste en gestion croit toutefois que ces éléments d'ordre subjectif et relationnel devraient être évités. «C'est mieux de se faire sa propre tête. On peut demander au chef sortant d'avoir accès à lui dans le futur pour challenger sa perception des membres de l'équipe, mais pas au début. Les relations se construisent à partir des événements vécus entre deux personnes, pas à partir de l'opinion de quelqu'un d'autre.

«Par contre, on peut très bien échanger sur les relations avec les fournisseurs et comment s'y prendre pour approcher certains contacts, précise-t-elle. Ça fait partie des connaissances critiques qu'on ne veut pas perdre quand une personne doit partir.»

*Prénom fictif