La Presse donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque semaine, un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite. Josée Fiset, cofondatrice de Première Moisson et vice-présidente du réseau de détail, répond aujourd'hui aux questions d'Yves Desjardins-Siciliano, président et chef de la direction de VIA Rail.

Q: Quels sont les facteurs principaux qui vous démarquent de la compétition et qui vous ont permis de faire évoluer Première Moisson jusqu'à son état actuel?

R: On fait les choses différemment. On a toujours été des gens qui aiment repousser les limites, on a d'ailleurs fondé Première Moisson pour pousser l'alimentation santé au Québec. Notre baguette est croquante (même si la clientèle était réticente au début), notre jambon blanc est plein de protéines et nous utilisons maintenant du blé du Québec.

On continue à avoir de l'audace. On fait de mieux en mieux, de plus en plus, au jour le jour, comme je le dis souvent. Et on le fait en restant fidèles à nos valeurs.

Q: Comment une entreprise reconnue pour ses produits faits maison peut-elle maintenir cet aspect à mesure qu'elle croit?

R: C'est notre plus grand défi. On a élaboré notre plan d'affaires en misant sur une «chaîne artisanale». C'est un beau paradoxe, mais c'est une contradiction qui se peut. Mes frères sont boulangers, mais on est aussi des entrepreneurs dans l'âme, on a de la vision. Dès le départ, on voulait ouvrir neuf succursales en trois ans. Tout au long, on est restés collés à nos valeurs et à notre mission. C'est un aspect non négociable, et c'est pour ça qu'on mise beaucoup sur la communication. En grossissant, on embauche des gens meilleurs que nous, qui ont Première Moisson tatouée sur le coeur. Notre partenariat avec Metro est en continuité avec ce qu'on fait depuis le début.

Q: A-t-il été difficile, en tant que femme, de percer dans l'industrie de l'agroalimentaire?

R: Pas du tout! Pas pour moi, en tout cas. Ma mère, par contre, a eu à se battre. À l'université, il y avait plus de gars dans nos cours, mais je ne me sentais pas mise de côté. Je n'ai jamais eu non plus de difficulté à aller dans une réunion où il n'y avait pratiquement que des hommes. Aujourd'hui, je travaille avec ma famille, alors je sens que j'ai ma place. En plus, nous sommes deux femmes et deux hommes.

Q: Comment avez-vous réussi à concilier les relations familiales et les relations d'affaires au sein de votre entreprise?

R: C'est une question de discipline de vie. Nous sommes chanceux, nous sommes complémentaires dans nos compétences et dans nos champs d'intérêt. Ma mère est l'entrepreneure, mon frère est le boulanger, mon autre frère est le gestionnaire, et moi, je suis l'artiste.

En lançant Première Moisson, on ne voulait pas de chicanes. On n'est pas toujours d'accord, mais on est accepté tel qu'on est. On travaille dans la complicité. La famille est la plus belle chose au monde pour nous. Dans les rencontres familiales, on mange notre jambon et nos autres produits ensemble, ça, c'est certain, mais on ne parle pas d'affaires.

Q: Vous êtes en affaires depuis plus de 20 ans. Quel est le conseil que vous donneriez à des jeunes qui se lancent en affaires dans le domaine alimentaire?

R: Il faut être patient, persévérant. Surtout, il faut être passionné et croire en ce que l'on fait. Il faut suivre nos convictions et se respecter. Il faut aussi concevoir des produits qui nous ressemblent.

Le plus beau conseil que j'ai eu de mon côté est: You have one thing to remember. Stay focus. C'est un homme d'affaires anglais qui me l'avait donné. Ce conseil me suit depuis et me permet de garder le cap.

Le parcours de Josée Fiset en bref

> Âge: 52 ans

> Études: Josée Fiset détient un baccalauréat en administration des affaires de HEC Montréal.

> Vice-présidente depuis: 1992

> Nombre d'employés: plus de 1000

> Avant d'être vice-présidente: Après ses études, elle a fait ses premières armes en marketing dans plusieurs entreprises, dont Heinz Baker Products.

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À lire la semaine prochaine: Gilbert Rozon, président fondateur du Groupe Juste pour rire, répond aux cinq questions de Josée Fiset.