La Presse donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque semaine, un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite. Yves Desjardins-Siciliano, président et chef de la direction de VIA Rail, répond aujourd'hui aux questions du recteur de l'Université de Montréal, Guy Breton.

Croyez-vous que le Canada aura dans un avenir rapproché un système de train à grande vitesse ?

Bien plus que d'un train à grande vitesse (TGV), le Canada a d'abord besoin de voies réservées au transport des passagers. On croit que ces corridors augmenteront l'affluence, et on pourrait passer de deux à sept millions de voyages par année. Ailleurs dans le monde, là où le TGV existe, des voies dédiées avaient auparavant été implantées.

D'ailleurs, seulement 25 % des voyageurs l'utilisent. Les 75 % restants prennent le train régulier.



Comment une entreprise comme VIA Rail peut-elle concilier la profitabilité et un mandat de service à la communauté ?

C'est une très bonne question. VIA Rail a une vocation publique avec une prestation de services commerciale. Le corridor Québec-Windsor, comme la ligne Montréal-Ottawa-Toronto, se doit d'être profitable.

Celui-ci permet de garder les autres services de Québec à Halifax, et de Toronto jusqu'à Vancouver. Ces lignes en régions éloignées offrent du service là où il est rare et dispendieux. 90 % de ces services sont subventionnés par le gouvernement.



Quelle est la place de la créativité et de l'innovation dans le secteur des transports ferroviaires ?



Dans le transport de passagers, l'innovation passe par l'informatisation des services. Un investissement de 1 milliard (qui comprend aussi des dépenses d'immobilisations et en infrastructure) a été réalisé dans les dernières années pour cela. Nos clients peuvent maintenant profiter du WiFi à bord, de l'achat électronique de billets et du suivi en ligne. Nous offrons à nos clients d'affaires une connectivité tout au long de leur voyage. L'expérience ferroviaire a été réinventée. Le train d'aujourd'hui est un bureau, un salon pour les familles et il se transforme en restaurant à l'heure des repas.

Comment VIA Rail peut-elle contribuer au développement durable du pays ?

En plus de desservir la population en région éloignée, la « mobilité durable » est l'une des principales raisons qui expliquent la vocation publique de VIA Rail. En sortant les gens de leur voiture, on contribue à un environnement durable. Nos locomotives ont également diminué leur empreinte de carbone de 25 % dans les dernières années.



On vit dans une culture de la voiture. Convaincre les Canadiens de laisser leur véhicule à la maison et de prendre le train est un effort de tous les jours, un citoyen à la fois. Comment le faites-vous ?

En étant très actifs sur les réseaux sociaux, en faisant des campagnes de relations publiques et en réalisant des publicités (à la hauteur de nos moyens, qui sont plus modestes que ceux d'une entreprise privée).



Quelle est la principale valeur que doit posséder le dirigeant d'une grande société aujourd'hui ?

C'est un mélange de qualités plutôt qu'une seule. Il faut d'abord avoir la capacité d'envisager un avenir différent. Les Canadiens ont été mis à l'épreuve dans les dernières années avec leurs dirigeants ; on doit donc aussi posséder une grande intégrité et une éthique personnelle. Démontrer par nos gestes et nos valeurs qu'on a un rôle dans la société. Ça demande également beaucoup d'humilité pour naviguer et gérer le possible.

Un sens des communications est essentiel aujourd'hui, puisque le citoyen a une voix et qu'il veut qu'on l'écoute. Quand je prends le train, je me présente d'ailleurs aux passagers. Il y a toujours 10-12 personnes qui me donnent leur point de vue et me soumettent leurs idées. Leurs suggestions ont inspiré des changements et des corrections chez VIA Rail.

Le parcours d'Yves Desjardins-Siciliano en bref

> Âge : 58 ans

> Études : Titulaire d'un diplôme en droit de l'Université de Montréal ainsi que d'un diplôme d'études supérieures en droit de l'Université McGill. Il possède également une accréditation de l'Institut des administrateurs de sociétés.

> Président depuis : mai 2014

> Nombre d'employés : 2600

> Avant d'être président : Il était depuis 2010 chef des services corporatifs et secrétaire corporatif. Auparavant, il a occupé de nombreux postes de direction dans plusieurs entreprises de Montréal et Toronto, dont celui de premier vice-président du contentieux et du développement commercial chez Bell Mobilité. Il a également été le chef de cabinet du ministre fédéral du Travail et du ministre d'État (Transports) de 1989 à 1991.