La Presse donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque semaine, un patron répond à cinq questions posées par le dirigeant interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite. Guy Breton, recteur de l'Université de Montréal, répond aujourd'hui aux questions de Martin Brière, président, Groupe Produits primaires-Alumineries, chez Alcoa.

Pour vous, est-ce qu'il y a une distinction majeure entre la gestion d'une université et celle d'une institution privée ?

Tout à fait. Contrairement à une entreprise, l'université a un mandat qui impacte sur toute la société. C'est un rouage de la société, celui qui transmet les savoirs. Une université, c'est aussi un collectif d'individus et non d'unités. Chaque personne, professeur, personnel de gestion, étudiant, est un acteur important. Notre leadership en est un d'échanges et d'influence, et le pouvoir est décentralisé, ce qui n'est pas le cas dans une entreprise. Cela étant dit, certains points sont communs. Les ressources humaines, les communications, les relations publiques ou les finances sont gérées de la même façon.

Que voyez-vous de différent avec la nouvelle génération d'étudiants et comment vous adaptez-vous à cette nouvelle génération ?

La nouvelle génération est distincte, intéressante et stimulante. Elle est plus curieuse, plus ouverte, plus mobile. Elle est par contre aussi dans l'instantanéité, un peu comme les réseaux sociaux, ce qui fait qu'elle est moins habituée à attendre pour des résultats.

Pourtant, des études universitaires prennent du temps. J'aime bien le programme des Carabins, où on développe la persévérance. Ça peut prendre du temps avant de gagner la Coupe Grey !

On s'adapte à cette génération en prenant le virage technologique. On a par exemple un laboratoire (en collaboration avec CAE) qui offre un simulateur à nos étudiants en faculté de médecine. Ils peuvent ainsi s'exercer sur un robot. On mise aussi sur la mobilité. Dix pour cent de nos étudiants sont étrangers. Ils enrichissent l'expérience des Québécois.

Nous offrons aussi des programmes d'échanges conjoints, dont le G3 avec Bruxelles et Genève, qui permettent aux jeunes de voyager.

Faites-vous du benchmarking avec d'autres institutions ? Vous comparez-vous avec les autres et vous inspirez-vous des meilleurs ?

Absolument, je suis un ardent défenseur de la référenciation. On apprend des classements, mais on peut aussi comparer nos pratiques de ressources humaines, notre gestion du financement, nos liens avec les partenaires, nos lieux, etc. On ne fait pas que se désoler en se comparant, on s'inspire aussi des meilleures pratiques. On constate également qu'on fait parfois de bons coups.

Quelle université dans le monde admirez-vous le plus ? Pourquoi ?

Aucune ! Dans sa totalité, il n'y en a pas une seule que je voudrais être. Ça ne m'empêche pas d'aimer certains aspects. En Australie, par exemple, les universités excellent en ce qui a trait à l'adaptabilité et l'universalité. En Allemagne, elles ont réussi à tisser des liens forts avec les entreprises. En Israël, où j'ai eu la chance de me rendre, elles transforment les problèmes en solutions. C'est le cas d'une université du sud du pays qui est située dans le désert. Elle a tiré profit de cette situation et est devenue un chef de file mondial dans l'irrigation goutte à goutte. Bref, je préfère les universités non traditionnelles.

Comment maintenez-vous un équilibre dans votre vie ?

Vous présumez que j'ai une vie équilibrée en posant cette question. On pourrait croire qu'un recteur a une vie de fonctionnaire. Ce n'est pas le cas. J'ai des horaires un peu pathologiques. Pour réussir à garder l'équilibre, je suis discipliné et j'ai un régime rigoureux. Je trouve du temps pour mes passions, qui sont mes amis, ma famille, la musique et le sport. J'essaie aussi de rire chaque jour au travail, puisque le travail n'est pas une corvée pour moi, c'est un plaisir.

À lire la semaine prochaine:

Yves Desjardins-Siciliano, président et chef de la direction de VIA Rail, répond aux cinq questions de Guy Breton.

Le parcours de Guy Breton en bref

• Âge : 65 ans

• Études : Guy Breton est titulaire d'un baccalauréat ès arts du Séminaire de Saint-Hyacinthe. Il est également titulaire d'un doctorat en médecine de l'Université de Sherbrooke, d'une spécialisation en radiologie diagnostique de l'Université McGill et d'un complément de formation en neuroradiologie de l'Institut et hôpital neurologiques de Montréal.

• Recteur depuis : juin 2010

• Nombre d'employés : 10 000

• Avant d'être recteur : Il a commencé sa carrière de professeur à la faculté de médecine de l'Université de Montréal en 1979. On lui a aussi confié de nombreux postes de direction à l'UdeM. Parallèlement, il a assumé diverses fonctions stratégiques et opérationnelles à l'hôpital Saint-Luc, puis au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM).