Dans un marché du travail touché par une pénurie de main-d'oeuvre et dans lequel diverses générations se côtoient, les entreprises doivent rivaliser d'ingéniosité pour attirer et garder les meilleurs employés. Dans la foulée, plusieurs d'entre elles se tournent vers ce qu'il est convenu d'appeler la rémunération à la carte. Mode passagère ou voie de l'avenir?

L'expression «rémunération à la carte» peut facilement être galvaudée, prévient Marc Chartrand, associé au cabinet de rémunération PCI Perrault conseil. «Il faut voir cela dans un contexte de rémunération globale où l'on donne aux employés des options de personnalisation», résume-t-il.

Par exemple, sur une rémunération globale de 100 000$, l'employé pourra demander de recevoir, quand cela peut s'appliquer, 80 000$ en salaire direct, 10 000$ pour son régime de retraite, 8000$ pour son régime d'assurances collectives et 2000$ en guise de budget de formation.

«Le but, c'est d'offrir aux gens des options qui correspondent à leur mode de vie. Qu'on soit un jeune célibataire ou un baby-boomer en fin de carrière, les besoins ne sont pas du tout les mêmes», explique M. Chartrand, membre et fellow de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA).

Évidemment, cette approche comporte des limites. La personnalisation doit être structurée, équitable et facile à administrer. Offrir diverses possibilités en ce qui concerne le salaire direct (salaire fixe, à forfait, à l'heure, sous forme de bonis, etc.) serait ingérable.

Pour l'heure, la rémunération à la carte est étroitement liée aux avantages sociaux, principalement en ce qui a trait aux assurances collectives et aux régimes de retraite, soutient Marc Chartrand, selon qui ce type de phénomène est promis à un bel avenir.

«L'expérience des 20 dernières années nous montre qu'on s'en va vers ça, dit-il. D'ailleurs, la personnalisation est partout: en marketing, dans les applications qu'on met sur son téléphone, etc. Les cols blancs, les employés de bureau et les cadres vont probablement le plus profiter de la rémunération à la carte. Et je ne serais pas surpris que la tendance prenne de l'ampleur au Canada et aux États-Unis.»

Meilleure compréhension

Selon Nancy*, cadre qui oeuvre dans le secteur des assurances et qui préfère ne pas être identifiée, la rémunération à la carte, même si elle est pour l'instant embryonnaire, devrait être davantage mise en valeur.

«Ça manque de "packaging", de présentation, ça doit être mieux ficelé, dit-elle. Les gens des ressources humaines ne sont pas très doués en marketing. Il faut en faire la promotion.»

Marc Gauthier, directeur principal, rémunération et assurance collective, à la Coop Fédérée, est du même avis. «Les régimes d'assurances de type "cafétéria" d'il y a 15 ans ont fait place à des programmes beaucoup plus flexibles que nous avons tout avantage à faire connaître», dit-il.

Le modèle de la Coop Fédérée s'inscrit dans cette logique. Elle offre à tous ses employés la possibilité de souscrire à l'un des trois types d'assurances suivant: bronze, argent ou or.

À titre d'exemple, et par souci d'équité, les employés qui préfèrent ne pas souscrire à ce type de régime (ou qui le font sur une base minimale) parce qu'ils sont très bien couverts par un conjoint qui travaille ailleurs auront droit à des crédits flexibles. «Avec ces crédits, ils peuvent s'acheter une semaine de vacances, mettre ça dans le régime de retraite de l'entreprise ou dans un compte de remboursement de soins de santé.»

Groupe CGI, le géant canadien des TIC, est lui aussi un adepte de la rémunération à la carte. Par exemple, chaque employé a droit à un crédit de 1000$ qu'il peut utiliser pour des activités de santé et de mieux-être. Si cela ne correspond pas aux besoins de l'employé, ces mêmes 1000$ peuvent être versés dans un REER.

Bref, on peut réellement parler d'une rémunération à la carte lorsqu'un employé peut choisir entre différentes options.

* prénom fictif