Le monde de l'emploi se transforme selon les réalités économiques et démographiques. Louis-Philippe Tessier-Parent, économiste et analyste du marché du travail chez Emploi-Québec, et Sylvie Doré, directrice des ventes et de l'expérience client pour Workopolis, nous font part de leurs observations sur 2014 et leurs prévisions pour les années à venir.

Création d'emplois nulle en 2014

L'année 2014 a été un peu moins dynamique qu'on l'anticipait. On connaîtra les données de décembre en janvier, mais jusqu'à maintenant, la croissance en matière d'emploi a été nulle.

«Nous ne nous inquiétons pas outre mesure, toutefois, parce que nous réalisons nos prévisions sur cinq ans et il arrive qu'une année, la croissance ne soit pas au rendez-vous, indique Louis-Philippe Tessier-Parent. On s'attend à environ 30 000 nouveaux emplois par année, et cela se rattrape facilement.»

Changement de province pour le travail

Les travailleurs canadiens sont par ailleurs de plus en plus nombreux à changer de province pour leur travail. C'est ce qu'a remarqué le site d'emplois Workopolis en analysant sa base de données comptant plus de 7 millions de CV de travailleurs. Les déménagements interprovinciaux ont augmenté de 21% en 10 ans.

«Et déménager pour un emploi est payant, affirme Sylvie Doré. Les travailleurs promus chez leur employeur sont 46% plus nombreux à avoir déménagé pour leur emploi.»

Croissance de l'emploi et départs à la retraite prévus

«Dans les prochaines années, on prévoit arriver à une croissance de l'emploi dans la grande majorité des industries», affirme Louis-Philippe Tessier-Parent.

S'additionnent à cela les nombreux départs à la retraite.

«Nous prévoyons que les jeunes sur les bancs d'école, les nouveaux immigrants, les chômeurs et les inactifs seront suffisamment nombreux pour pourvoir les postes, indique l'économiste. On s'attend notamment à ce que les baby-boomers augmentent de 50% leur participation au marché du travail.»

Les perspectives d'Emploi-Québec sont favorables ou acceptables pour près de 90% des professions, et les employeurs commencent à avoir plus de difficulté à faire du recrutement. Le taux de chômage était de 7,6% en novembre et Emploi-Québec s'attend à le voir diminuer à 6,2% en 2017, puis à 5,7% en 2022, le plus bas taux depuis 1968.

Fréquents changements d'emploi

Les occasions de changer de carrière seront aussi nombreuses dans ce marché du travail favorable aux employés.

La base de données canadienne de Workopolis a révélé que 76% des gens changent de carrière au moins deux fois.

«Les gens sont longtemps actifs maintenant sur le marché du travail, plusieurs types de poste ont disparu avec les années, de nouveaux ont été créés et plusieurs travailleurs transfèrent leurs compétences, remarque Mme Doré. De plus en plus, aussi, les travailleurs veulent être passionnés dans leur vie professionnelle, et certains n'hésitent pas à changer complètement de type d'emploi, même si cela signifie diminuer leur salaire pendant quelques années.»

Workopolis a aussi relevé que les gens changent en moyenne d'emploi 15 fois dans leur vie.

Risque de sauter trop rapidement sur le marché du travail

Les perspectives favorables pour les travailleurs sur le marché du travail risquent toutefois d'inciter des jeunes à escamoter leur formation pour répondre à l'appel d'un employeur.

«Cela pourrait être un piège pour les jeunes parce que l'économie fonctionne par cycle, et on retournera éventuellement en récession, indique Louis-Philippe Tessier-Parent. Lors des récessions, les gens moins formés souffrent le plus.»

Il voit un autre piège dans les revenus sur le long terme.

«Il peut paraître intéressant de quitter les bancs d'école plus rapidement pour commencer à gagner un salaire, mais les postes avec le plus de responsabilités et les mieux rémunérés exigent une scolarité plus élevée, explique-t-il. À long terme, le salaire obtenu risque d'être moindre que si la personne avait investi quelques années de plus en formation.»

Changer d'employeur pour gravir les échelons

Workopolis remarque que pour gravir les échelons, 88% des travailleurs doivent accepter un poste dans une autre entreprise.

«Ça ne me surprend pas énormément, puisque peu d'entreprises encore ont un réel plan de relève, remarque Sylvie Doré. Former les jeunes pour les postes de direction exige un investissement. Je crois que plusieurs entreprises ont peur aussi de perdre de bons acteurs dans leurs équipes en leur donnant des promotions.»

La question salariale peut également être un enjeu.

«Un employé n'obtiendra jamais 50% d'augmentation avec une promotion à l'interne alors qu'il pourrait l'obtenir chez un autre employeur, remarque-t-elle. Les employeurs sont toujours prêts à donner plus à un candidat de l'externe même si une personne de l'interne pourrait s'adapter plus rapidement à son nouveau rôle.»