Les jeunes handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (HDAA) ont accès à énormément de soutien pour réussir à l'école et plusieurs se rendent maintenant aux études postsecondaires. Est-ce que cela se traduit par une meilleure intégration sur le marché du travail? Pas nécessairement.

Olivier (le prénom a été changé) a un diagnostic de trouble du spectre de l'autisme. Au secondaire, il réussissait bien et avait un intérêt marqué pour les technologies médicales. Toutefois, pour l'orienter vers une profession, il fallait tenir compte de ses limitations, particulièrement en ce qui concerne l'interaction sociale. Impossible de la faire travailler directement avec les patients par exemple.

C'est une partie du travail que Josée Senneville, conseillère d'orientation à la Commission scolaire René-Lévesque en Gaspésie, a fait avec Olivier dans le cadre de son plan d'intervention, un outil auquel il a droit pour favoriser sa réussite. Finalement, il a opté pour le diplôme d'études collégiales (DEC) Techniques de laboratoire.

«Nous avons eu plusieurs rencontres, notamment avec les services adaptés du cégep pour organiser la transition et le jeune est maintenant intégré, se réjouit Josée Senneville. Il a toutefois encore des défis à relever, comme les stages. Est-ce qu'il réussira à obtenir son DEC, puis à s'insérer en emploi? On ne peut jamais prévoir comment une personne évoluera. La réussite est liée à plusieurs facteurs personnels et externes.»

Encore un écart dans les diplômes

Dans les cégeps, le nombre d'élèves HDAA a augmenté de 475% entre 2007 et 2012.

Dans les universités, il a plus que doublé en quatre ans.

«L'augmentation est exponentielle, particulièrement pour les gens avec des troubles d'apprentissage et un déficit d'attention, alors ces personnes réussissent davantage qu'avant grâce aux mesures de soutien développées», explique Frank Bouchard, conseiller au Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre (CAMO) pour personnes handicapées.

Les personnes avec des incapacités demeurent moins scolarisées que les autres, d'après l'Enquête québécoise sur les limitations d'activités, les maladies chroniques et le vieillissement 2010-2011. Toutefois, chez celles qui obtiennent un DEC et un diplôme d'études secondaires (DES), l'écart est faible.

Chez les gens de 15 à 64 ans avec incapacité, 28% avaient un DEC comme plus haut niveau de scolarité, contre 32% des gens sans incapacité.

Pour le DES, c'était 25% pour les gens avec incapacité et 23% pour les autres.

Les écarts sont plus marqués pour le diplôme universitaire: 23% des gens avec incapacité en avaient un, contre près de 32%.

Les défis de l'intégration

Sur le marché du travail, les données montrent que les personnes avec des incapacités rencontrent plus d'embûches que les autres.

Chez les gens de 15 à 64 ans avec incapacité, près de 64% avaient un emploi. C'était 72% chez les personnes sans incapacité. Il y avait 14% de personnes sans emploi chez les gens avec incapacité et 6% chez les autres.

«C'est embêtant de dire s'il y a une amélioration dans l'intégration et le maintien en emploi, d'autant plus que pour des raisons méthodologiques, on ne peut comparer cette étude avec des précédentes», affirme Frank Bouchard rencontré alors qu'il donnait une conférence le printemps dernier lors d'un congrès international organisé par l'Ordre des conseillers et conseillères d'orientation du Québec (OCCOQ).

Les employeurs sont toutefois généralement assez ouverts maintenant aux accommodements pour intégrer des personnes en situation de handicap.

«Particulièrement lorsqu'il est question d'adapter la tâche et l'équipement de travail, précise M. Bouchard. C'est plus difficile lorsqu'il faut adapter l'organisation du travail. Nous tentons de montrer aux employeurs que plus de souplesse peut être positive pour l'ensemble des employés.»

Alain Dubois, conseiller d'orientation, a travaillé 30 ans en réadaptation et en insertion au travail de personnes handicapées avant de devenir chercheur à l'Université Laval. Il remarque que pour les employeurs, il est très important que les limitations ne diminuent pas la productivité, à moins que la perte soit compensée par une subvention.

«Les programmes existent, mais les besoins sont plus grands que les ressources», remarque-t-il toutefois.

La vulnérabilité des décrocheurs

L'élève HDAA qui n'obtient pas de diplôme risque davantage de ne pas s'intégrer dans le marché du travail, d'après Josée Senneville qui fait également de la pratique privée.

«Ils font généralement la formation préparatoire au travail dans les commissions scolaires pour les amener vers des emplois comme pompiste ou emballeur à l'épicerie», explique-t-elle.

Ensuite, généralement, elle les oriente vers le Service externe de main-d'oeuvre (SEMO) pour l'intégration et le maintien en emploi.

«Nous essayons de faire en sorte que ces personnes particulièrement vulnérables aient un filet social, mais c'est moins évident lorsqu'elles décrochent, remarque-t-elle. Ces personnes sont celles qui ont le plus besoin de services, mais celles qui risquent le plus d'être oubliées.»

Pour en savoir plus sur les ressources disponibles pour les jeunes avec des besoins particuliers: www.choixavenir.ca/parents