Les conversations des collègues, les sonneries de téléphone, les cliquetis de clavier, l'ascenseur et la machine à café. Nombreuses sont les sources de bruit qui peuvent nuire au confort et à l'efficacité des travailleurs aux espaces de plus en plus décloisonnés et densément occupés.

Nadine regrette parfois le temps où elle travaillait dans un bureau fermé. «Mon espace de travail se trouve juste devant une salle de réunion, explique l'adjointe à la réalisation. J'essaie de faire en sorte que ça ne perturbe pas trop ma concentration, mais les éclats de voix me dérangent, surtout lorsque je fais du montage. J'augmente alors le volume de mon casque d'écoute, ce qui n'est guère mieux. Il y a des journées où je sors complètement épuisée de mon bureau.»

Comme plusieurs de ses collègues, Nadine travaille dans un bureau à aire ouverte. À la fois économiques et efficients, ces aménagements modulaires prédominent dans les locaux commerciaux nord-américains. Selon l'Institut de recherche en construction du Conseil national de recherches du Canada, ils représentent au moins 70% des bureaux en Amérique du Nord. «Tant ces parcs à bureaux que d'autres milieux bruyants comme les salles de classe ou les CPE n'ont pas été construits ou aménagés en tenant compte du confort acoustique des employés, se désole Tony Leroux, directeur de l'École d'orthophonie et d'audiologie de l'Université de Montréal. Dans ces secteurs, les problèmes de niveau de bruit ne sont pas nécessairement liés aux installations mêmes, mais à l'interaction entre le nombre de personnes dans les pièces et leur aménagement».

Le bruit représenterait la première source de nuisance au travail pour 52% des Français, selon le baromètre du cabinet-conseil Actinéo. «Je serais portée à croire qu'on arriverait à des résultats similaires au Québec si la question était posée, croit Julie Baril, audiologiste spécialisée en santé mentale. Les employés ont souvent du mal à identifier les facteurs de leur stress au travail. Il n'est pas rare que le bruit soit en cause. Ses effets, combinés à d'autres facteurs, entraînent à long terme une baisse de productivité et parfois même de l'absentéisme et des troubles de santé mentale», indique-t-elle.

Le corps humain perçoit le bruit comme un signal d'alerte, explique Tony Leroux. «Même si on sait qu'aucun mammouth ne va nous attaquer sur notre lieu de travail, le corps envoie automatiquement un signal pour se préparer à fuir ou à se défendre contre un danger. Le coeur bat plus vite, le sang se dirige vers les muscles et la pression artérielle augmente. Ces réactions finissent par s'émousser avec le temps et induisent une fatigue. La concentration va diminuer, ce qui aura pour effet d'augmenter le taux d'erreurs», indique-t-il.

Réduire les bruits à la source

Les employeurs qui voudraient évaluer le confort acoustique de leurs locaux gagneraient à consulter directement leurs employés, croit Julie Baril. «La mesure du niveau de bruit en décibels n'apporte pas toutes les réponses puisqu'elle ne révèle pas les types de bruit. Pour identifier les nuisances sonores, il serait plus efficace de demander aux employés de noter les bruits dérangeants pendant une semaine. Ensuite, on peut dessiner une carte afin d'identifier les sources de bruit et les personnes les plus exposées», suggère l'audiologiste.

Une fois les bruits indésirables identifiés, plusieurs solutions d'isolation ou d'atténuation du bruit s'offrent aux employeurs. Parfois, le confort acoustique passe simplement par un meilleur aménagement de l'espace. «Les aires de travail pourraient par exemple être éloignées de la cafétéria, du photocopieur ou de l'ascenseur. Les cubicules pourraient regrouper moins d'employés», énonce Julie Baril à titre d'exemples. 

Le masquage sonore, une technologie qui émet un bruit neutre afin de réduire les distractions sonores, fait aussi partie des solutions offertes aux employeurs. «Les conversations voyagent moins d'un bureau à l'autre avec le masquage sonore, mais ça ajoute un bruit auquel le système auditif réagit par un niveau de stress un peu plus élevé, surtout lorsque le niveau sonore est mal contrôlé», prévient toutefois Tony Leroux.

La réduction du bruit à la source en fonction de l'usage de la pièce et du nombre d'employés qui y travaillent demeure la meilleure solution, concluent les deux experts.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Julie Baril, audiologiste et étudiante au doctorat en santé publique