Le premier réflexe d'un employé incompétent devrait être de rencontrer son gestionnaire. Cela lui permet de démontrer sa bonne volonté, et de bénéficier de l'aide due par son employeur.

François, cadre dans une société de transport, reçoit une lettre de fin d'emploi lui expliquant qu'il n'est plus l'homme de la situation. Depuis quatre ans, un fossé d'incompréhension se creusait avec son employeur, et chaque partie vivait dans la frustration de ne voir aucune amélioration. Jamais l'employeur n'avait signifié le moindre motif d'insatisfaction à François. Aucune rencontre et aucun effort n'avaient été entrepris pour remédier à la situation.

Congédié pour incompétence, François aurait peut-être pu enrayer la situation en prenant l'initiative d'aborder le sujet avec son patron.

«Cela demande du courage», reconnaît Denis Morin, professeur au département d'organisation et ressources humaines de l'École supérieure de gestion (ESG) de l'Université du Québec à Montréal (UQAM). «Pour certains, cette démarche peut être perçue comme un échec. Mais ce n'est pas le cas! Cela revient à demander au gestionnaire de nous accompagner à donner le meilleur de nous-mêmes.»

Le terme incompétence est lourd à porter. Les juristes préfèrent parler de rendement insuffisant, précise Pierrick Bazinet, avocat en droit du travail chez Loranger Marcoux, qui représente exclusivement des employeurs. Les conséquences peuvent être lourdes. Pour le salarié, cette incapacité à atteindre le niveau exigé par l'employeur peut diminuer son estime de soi. De son côté, l'employeur insatisfait peut décider de se séparer de ce salarié moins productif que la moyenne.

L'humilité avant tout

L'incompétence se traduit par un changement dans les caractéristiques d'un salarié le rendant inapte à exercer ses fonctions, explique Denis Morin. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce changement, comme la diminution des capacités du salarié ou l'utilisation d'une nouvelle technologie sans avoir reçu la formation nécessaire.

On imagine mal le salarié débarquer dans le bureau de son gestionnaire en clamant son incompétence. Mais il pourrait tout aussi bien lui demander des conseils pour améliorer son rendement personnel. «Les gestionnaires sont très sensibles au fait d'aider quelqu'un qui fait preuve d'humilité, plutôt qu'une personne qui ne veut pas écouter», assure Denis Morin.

L'employé montre ainsi que sa bonne volonté n'est pas en cause. L'enjeu est d'importance, parce que si son rendement insuffisant est délibéré, le salarié s'expose à des mesures disciplinaires. Or, «l'employé est le premier responsable de sa performance, rappelle Denis Morin. Il doit fournir une prestation convenable de son travail. De son côté, le gestionnaire a pour mission de développer le meilleur de chacun de ses employés».

Accroître le sentiment d'efficacité personnelle

Le gestionnaire devrait alors travailler à accroître le sentiment d'efficacité personnelle de l'individu, recommande M. Morin. Autrement dit, le gestionnaire doit persuader l'employé qu'il détient les capacités de réussir. «Si le gestionnaire met l'accent sur ce sentiment, le rendement individuel peut augmenter de plus de 30%», affirme M. Morin.

Pour y parvenir, l'employé peut demander à son gestionnaire de lui fournir des modèles de réussite: comment d'autres sont parvenus à faire ce qu'on lui demande, quel a été leur cheminement, etc. «Cela prend de l'humilité de demander au gestionnaire ou à des collègues comment ils ont réussi», note Denis Morin.

Le gestionnaire peut aussi rappeler à l'employé les tâches exigeantes qu'il a déjà accomplies. Ce regard rétrospectif encourage le salarié à mesurer ses capacités de succès. Le gestionnaire doit se montrer honnête, en tenant compte des habiletés réelles de la personne, met en garde M. Morin.

Aussi, l'employé et le gestionnaire peuvent s'entendre pour découper l'objectif en plusieurs étapes, afin que chaque marche soit plus facile à franchir. «Cette stratégie offre de petits succès qui donnent l'élan nécessaire pour progresser», souligne M. Morin. Cela sous-entend un principe incontournable pour mesurer un rendement insuffisant et pour l'améliorer: que les attentes soient connues de l'employé.

Pas de congédiement hâtif

Un employeur peut congédier un salarié qui n'atteint pas le rendement exigé. Mais avant d'arriver à cette extrémité, l'organisation doit respecter un processus d'amélioration, indique Pierrick Bazinet. Faute d'avoir suivi les six étapes de ce processus (voir tableau à la fin), qui peut durer d'un à trois mois, la Commission des relations du travail considérera le congédiement comme étant sans cause juste et suffisante, relève Me Bazinet.

Dans le cas de François, l'employeur a été condamné à verser plus de 30 000$ en perte de salaire, en intérêts et en indemnités de perte d'emploi, pour congédiement sans cause juste et suffisante.

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SIX ÉTAPES D'UN PROCESSUS D'AMÉLIORATION

> 1. Fixer un niveau de rendement exigé, et le communiquer à l'employé.

> 2. Informer l'employé de son niveau de rendement insuffisant, en expliquant l'objectivité du calcul, mené de la même manière auprès de tous les employés travaillant à un poste comparable.

> 3. Aviser le salarié de la mise en place d'un plan d'amélioration du rendement, en fixant des objectifs à court et à moyen terme, et en prévoyant un suivi régulier.

> 4. Apporter le soutien nécessaire, en matière de formation ou de coaching.

> 5. Informer le salarié qu'il est susceptible de perdre son emploi s'il ne participe pas suffisamment au processus.

> 6. Procéder à un congédiement administratif en raison des performances de l'employé.