Guilaine Denis est régulièrement appelée à participer à des congrès à l'extérieur de la ville et du pays, ainsi qu'à des réunions qui durent une ou plusieurs journées. En tant que directrice aux opérations et service à la clientèle à la Société de sauvetage, elle a mis en place une logistique pour éviter que ses absences deviennent un obstacle au travail de ses troupes.

Afin de contourner ses absences, la directrice prépare longtemps à l'avance les rencontres pour faire le suivi de dossiers majeurs. Elle préconise également des méthodes simples, mais efficaces, dans sa gestion quotidienne. «J'envoie un courriel aux employés avec mon horaire d'absences. On utilise les systèmes de partage de documents pour faire un suivi. Et j'appelle au bureau chaque matin pour m'assurer que tout va bien et que les gens sont en poste.»

«Mes coordonnateurs m'envoient des courriels avec leurs questions durant la journée, ajoute-t-elle. Si c'est urgent, je réponds tout de suite, sinon je vide ma messagerie en soirée. Comme les jeunes générations sont habituées à l'instantanéité des réponses aux textos et aux courriels, on doit parfois leur apprendre à patienter.»

Selon Geneviève Desautels, spécialiste en développement du leadership et professeure à HEC Montréal, l'absence du gestionnaire est davantage problématique quand celui-ci prend la posture du superhéros.

«Lorsque rien ne se règle sans lui, qu'il veut tout voir, tout savoir et que les initiatives sont peu encouragées, ses absences ont un gros impact. Les employés l'attendent constamment et se lancent sur lui quand il revient. Les projets ralentissent, la performance diminue et l'autonomie est peu encouragée.»

Promouvoir l'autonomie

«Plusieurs patrons se valorisent en voyant la paperasse s'accumuler sur leur bureau après une réunion, précise-t-elle. Même si ça les épuise, cette surcharge comble un besoin. À l'opposé, la situation sera beaucoup plus simple quand le gestionnaire précise ses attentes envers ses collaborateurs avant de s'absenter.»

Au quotidien, Guilaine Denis mélange les deux postures. «Mes coordonnateurs doivent réaliser un plan d'action annuel, avec les projets et les objectifs à venir. J'approuve leur plan, je demande un rapport trimestriel, mais ils demeurent très autonomes.»

Toutefois, quand il est question de service à la clientèle, la situation se complexifie. «Les clients qui font des plaintes ou qui posent des questions pointues veulent des réponses rapides, dit-elle. Ça rend mes absences plus difficiles. Les employées du département ont appris à faire patienter, à prendre des notes et à diriger les clients vers ma boîte vocale, quand je ne peux pas leur répondre immédiatement.»

Mme Denis remarque également un changement dans le comportement de ses employés, lorsqu'elle s'absente. «On m'a dit que certains n'agissent pas de la même façon quand je ne suis pas au bureau, puisque je suis la directrice responsable de gérer le personnel. J'ai déjà dû régler un conflit entre deux employés, qui ne s'entendaient pas sur une méthodologie à prioriser et qui ne pouvaient pas valider avec moi avant mon retour.»

Substitut

Lorsqu'un patron s'absente plusieurs semaines, un gestionnaire substitut peut éviter bien des soucis. «C'est intéressant pour un employé qui veut développer ses habiletés en gestion de pratiquer quatre semaines par année, souligne Geneviève Desautels. Mais le remplacement doit être clairement annoncé aux membres de l'équipe pour obtenir leur collaboration. Certaines grandes entreprises font même signer une délégation des pouvoirs officiels, et offrent parfois une compensation financière.»

Par contre, le remplacement d'un patron superhéros peut s'avérer problématique. «Dans ce cas, le gestionnaire substitut doit réaliser ses tâches habituelles, en plus d'écoper du suivi serré de tous les dossiers du bureau. Ça enlève le goût à bien des gens d'aller en gestion.»