Des défis, les entrepreneurs et les gestionnaires en rencontrent tous les jours. La Presse vous propose une série d'articles présentant des difficultés et des solutions inspirantes adoptées par des gens sur le terrain. On se penche maintenant sur la restructuration organisationnelle. Cette semaine, place au volet juridique.

Une entreprise manufacturière québécoise a dû réaliser quelques restructurations organisationnelles au cours des dernières années. Chaque fois, le patron rédigeait un plan. Il y décrivait les objectifs de la restructuration, les changements effectués dans l'entreprise, les postes abolis et les critères les ayant déterminés, la redistribution des tâches, le calcul des préavis de départ. Il envoyait chaque fois son document à son avocat qui lui revenait avec des questions. Par exemple, sur le fait que le poste d'un employé était maintenu, alors que celui d'un collègue comptant plus d'années de service était aboli. Il est arrivé au patron de revenir sur certaines décisions.

Patrick Trent, avocat spécialisé en droit du travail et de l'emploi chez Borden Ladner Gervais (BLG), recommande aux employeurs de rédiger un tel document pour bien ficeler la réorganisation et se protéger advenant un conflit.

«Une restructuration organisationnelle n'est pas une occasion de faire le ménage en se débarrassant des employés indisciplinés, malades ou enceintes», affirmait Patrick Trent récemment lors d'un symposium de BLG en droit du travail.

Un licenciement est très différent d'un congédiement.

«Lors d'un congédiement, on se débarrasse de quelqu'un parce qu'il ne fait plus l'affaire, explique Me Trent. Lors d'un licenciement, on vise un poste. Ce sont deux concepts traités différemment par les tribunaux.»

Critères rigoureux

Lors d'un licenciement, l'employeur doit mettre en oeuvre un processus de sélection des postes à éliminer.

«Pour des employés syndiqués, il faut suivre ce que dit la convention collective, indique Me Trent. Pour les employés non syndiqués, l'employeur doit déterminer des critères objectifs, impartiaux, non discriminatoires et établis de bonne foi.»

Par exemple, les besoins de l'entreprise, l'ancienneté, la formation, le rendement.

«Toutefois, un critère peut avoir l'air impartial, comme le rendement, mais peut ne pas l'être si le contexte de travail est très différent entre les employés, explique Me Trent. Il faut en tenir compte.»

L'avocat précise aussi que si on exige dorénavant un baccalauréat pour un poste, il faut être en mesure d'expliquer pourquoi par la nouvelle description de tâches.

Si un employé allègue qu'il n'a pas été licencié, mais congédié parce que l'employeur voulait se débarrasser de lui, il peut invoquer un congédiement déguisé et déposer une plainte à la Commission des normes du travail pour congédiement sans cause juste et suffisante.

«L'employeur devra prouver le licenciement devant la Commission des relations du travail, indique Patrick Trent. D'où l'importance de bien documenter le processus.»

Les avis

Dans un contexte de licenciement, la Loi sur les normes du travail prévoit qu'un salarié ayant au moins trois mois de service continu doit recevoir un avis écrit de cessation d'emploi. Le délai à respecter commence à une semaine et augmente jusqu'à huit semaines pour l'employé en service continu depuis dix ans ou plus.

S'il ne respecte pas le délai, l'employeur doit verser une indemnité compensatoire égalant le salaire que l'employé aurait normalement gagné pendant cette période.

Lors d'un licenciement collectif - 10 salariés ou plus sur une période de 2 mois dans un même établissement -, les délais vont de 8 semaines pour 10 à 99 salariés licenciés jusqu'à 16 semaines pour 300 employés et plus.

Un avis doit aussi être envoyé au ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale.

«L'objectif est de l'aviser pour s'assurer que tout sera mis en place pour chercher des solutions pour diminuer l'impact sur la communauté", a expliqué lors du même symposium Marie Garel, avocate spécialisée en droit du travail et de l'emploi chez BLG.

Le Code civil du Québec prévoit aussi un délai raisonnable qui tient compte notamment de la nature de l'emploi, des circonstances particulières dans lesquelles il s'exerce et de la durée de la prestation de travail.

«Toutefois, cet article ne s'applique pas aux employés syndiqués, précise Marie Garel. Il faut analyser la situation particulière de l'entreprise et de chacun des employés pour s'assurer de donner les préavis dus à chacun et éviter des plaintes.»

Le patron de l'entreprise manufacturière avait pour sa part donné un certain nombre de semaines de salaire par année de service pour les différentes catégories de salariés et quelques semaines de salaire de plus aux employés plus âgés. L'employeur a donné davantage que ce qu'exigeait la Loi sur les normes du travail afin de respecter aussi le Code civil du Québec. Aucun ex-employé n'a intenté de recours contre lui après les licenciements.

«On recommande d'ailleurs aux employeurs qui donnent des préavis supérieurs à ce qui est exigé par les normes du travail de demander aux employés de signer une quittance dans laquelle ils renoncent à leur droit d'intenter un recours contre l'employeur», indique Patrick Trent.

À lire mercredi prochain: les volets communication et transition pour permettre aux employés licenciés de bien rebondir.