Le manque criant de personnel affecte grandement la productivité des entreprises québécoises. Préoccupée par ce problème, une firme de ressources humaines offre dorénavant un service 24 heures, afin de combler les besoins d'embauche des entreprises.

Montréal, 3h10, le matin. Munie de son casque d'écoute, Ginette Rupp répond à un appel d'un contremaître de production d'une entreprise de Sherbrooke. Au bout du fil, la voix semble tendue. «J'ai une grosse livraison dans quelques heures. J'ai besoin de 10 journaliers pour 5h ce matin.»

De son côté, la conseillère collige toute l'information et promet de lui communiquer le nom des employés d'ici les 10 prochaines minutes.

Implantée dans 15 régions du Québec, la firme de placement de personnel Hunt offre depuis janvier dernier un service continuel durant 24 heures, et ce, 7 jours sur 7.

En 2011, la directrice générale de Hunt, Jacqueline Pourreaux, 72 ans, a eu l'idée d'un tel projet en discutant avec des chefs d'entreprise. «Les dirigeants se plaignaient de ne pas être en mesure d'atteindre leur quota de productivité en raison du manque d'employés disponibles», raconte-t-elle.

Déjà, à ce moment-là, sa société comble les besoins des établissements de santé, le soir et les fins de semaine. «Je me suis dit: pourquoi ne pas offrir aussi un tel service aux manufactures, entrepôts, entreprises de transport, succursales bancaires?»

Un délai de 10 minutes

Durant trois semaines consécutives, 12 conseillères ont suivi une formation intensive pour travailler le soir et la nuit. Parmi le groupe, une personne s'occupe de la répartition des appels. Si la répartitrice déborde, elle communique virtuellement avec ses collègues qui lui viennent en aide.

Jacqueline Pourreaux tient à ce que son personnel réponde aux besoins du client dans un délai de 10 minutes. «C'est nous qui imposons ce rythme. Les conseillères ont toutes une liste de gens disponibles qui peuvent effectuer des remplacements au pied levé dans les différents secteurs d'activité.»

Carburer à l'adrénaline

Durant la nuit, les conseillères doivent donc être capables de réagir rapidement aux appels et demandes par courriel. La plupart d'entre elles carburent au café et à l'adrénaline.

«Ça prend des gens très organisés, capables de suivre une méthode de travail et de gérer un grand stress, surtout s'il y a un grand nombre de demandes qui arrivent en même temps», explique Ginette Rupp, conseillère et directrice du service intégré 24 heures pour le Québec et l'Ontario.

Les périodes de pointe surviennent le week-end, le matin entre 6h et 8h. «On doit trouver des remplaçants à des journaliers, infirmières ou préposés aux bénéficiaires qui ne se présentent pas au travail.»

Chaque semaine, les conseillères répondent aux besoins d'environ 400 entreprises. «On n'arrive pas encore à répondre à la totalité des effectifs sur le plan médical, mais on a un taux de placement de 100% dans les domaines du transport, bancaire et industriel», indique fièrement Jacqueline Pourreaux.

Des solutions à un problème complexe

Professeur titulaire en gestion des ressources humaines à HEC Montréal, Alain Gosselin estime que d'ici les 10 prochaines années, les entreprises devront développer de nouvelles stratégies pour combler les besoins de main-d'_uvre dans un marché du travail plus restreint. «Si elles veulent être compétitives, les compagnies n'ont pas le choix d'investir dans leur image de marque en tant qu'employeurs.» À l'heure actuelle, les dirigeants doivent être en «mode constant de recrutement», selon M. Gosselin. La solution réside dans une bonne planification tout en formant le talent à l'interne et en augmentant la versatilité des employés. Le recours à des firmes de placement, estime M. Gosselin, est une option parmi d'autres, mais ne peut être la réponse à tous les besoins de recrutement.