Quelques jours avant d'obtenir son diplôme en relations publiques, Tania Anctil s'est trouvé un emploi à Terre-Neuve. Sophie Jacquelin a elle aussi choisi l'exil à la fin de ses études en cuisine à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec (ITHQ), pour travailler en Espagne, puis en Australie. Les jeunes diplômés sont de plus en plus nombreux à prendre de l'expérience à l'étranger, avant de s'établir au Québec.

«Je me disais que si je me plantais chez moi, j'aurais la réputation de la fille qui a gaffé. En allant prendre de l'expérience ailleurs, personne n'est au courant de ce que je fais, explique Tania Anctil, 24 ans. Je sentais aussi que je n'étais pas prête à commencer ma vie d'adulte. Comme je n'ai pas d'amoureux ni d'enfants, et que mes parents sont en santé, je n'ai pas besoin d'être là pour les autres.»

Contrairement aux diplômés qui optent pour le voyage, Mme Anctil a préféré travailler dans une autre province. «J'avais envie de voyager, mais je ne pouvais pas partir sans me soucier de mes dettes étudiantes. Mon boulot me permet de découvrir Terre-Neuve, mais aussi Toronto, Sudbury et Yellowknife. J'ai la chance de voir du pays, de peaufiner mon anglais, d'acquérir de l'expérience et de rembourser mes dettes.»

Malgré ces avantages, l'aventure n'a pas toujours été joyeuse. «Au début, je ne comprenais rien à la structure de St. John's et je faisais peu d'activités puisque j'habitais loin du centre-ville. J'avais l'impression d'avoir la même routine qu'avant, mais ailleurs. Je me levais, je travaillais, je soupais et j'allais me coucher. Je me suis demandé si je venais de payer 600$ en billet d'avion pour vivre la même chose plus loin.»

Vivre en Espagne

De son côté, Sophie Jacquelin explique avoir choisi le métier de cuisinière par passion, mais aussi en sachant qu'il la ferait voyager. «Je me disais qu'il y aurait du boulot, peu importe le pays où j'irais. J'avais envie de découvrir de nouvelles techniques et d'autres cultures.»

En septembre 2008, la jeune femme est arrivée à Barcelone, en pleine crise économique. «Non seulement j'étais jeune, malléable et sans expérience, mais j'ai eu énormément de difficulté à trouver du boulot. Je rêvais de vivre en Espagne, mais le travail se faisait rare en temps de crise. Plusieurs restaurants fermaient leurs portes. J'ai dû me résigner à retourner au Canada, en juin 2009.» Quelques mois plus tard, la cuisinière a entendu l'appel de l'Australie. Dès son arrivée à Melbourne, la chance lui a souri.

«Soixante heures après mon atterrissage, j'ai été engagée dans l'un des meilleurs restaurants du pays. Je gagnais un bon salaire, je travaillais dans un environnement culinaire stimulant et je profitais du temps superbe.» Trois ans et demi plus tard, elle y vit toujours. «Mon employeur m'a proposé de me parrainer pour renouveler mon visa de travail, j'ai rencontré quelqu'un et j'ai obtenu mon visa de conjoint de fait. J'ai le statut de résidente temporaire.»

Les deux exilées sont convaincues que leur séjour à l'étranger ne nuira pas à leur avenir professionnel. «Les employeurs s'attendent à ce qu'un jeune diplômé désire bouger davantage qu'une personne de 40 ans avec des enfants, affirme Tania Anctil. Je crois aussi qu'ils commencent à comprendre notre génération. Moi, je rêve d'un emploi qui va devenir ma deuxième famille. Tant que je n'aurai pas trouvé ça, je n'arrêterai pas de chercher et je ne m'empêcherai pas de vivre d'autres expériences.»