Depuis deux ans et demi, Thierry Zambo, enseignant en formation professionnelle, et Heidi Miller, écrivaine et réalisatrice de documentaires à la pige, composent avec leurs styles de vie aux antipodes.

«Je travaille tous les jours de 8h à 16h30, alors qu'Heidi peut travailler n'importe quand, le jour, le soir et les fins de semaine, explique M. Zambo. Si elle est dans une période intense, j'organise mes activités en conséquence, je prépare la nourriture, je la reconduis et on s'arrange pour qu'elle puisse terminer ses contrats. Au lieu de voir notre réalité comme une contradiction, je parlerais plutôt d'une grande complémentarité. Je peux être une ancre dans sa vie.»

Les couples formés d'un pigiste et d'un salarié sont plus complémentaires qu'on le croit. Avec l'augmentation du nombre de travailleurs autonomes au cours des dernières années, plusieurs couples formés d'un pigiste et d'un salarié sont apparus. Si certains y voient une série de problèmes impossibles à gérer, d'autres ont prouvé que leurs différences pouvaient devenir une force.

Selon Heidi Miller, il est impératif de savoir soigner sa relation. «On a tous les deux besoin d'espace pour nos projets. On s'appuie, on se respecte et on communique beaucoup. Si on passe moins de temps ensemble la fin de semaine, on se crée d'autres espaces. En fin de compte, on se voit peut-être moins que d'autres couples, mais on se voit mieux.»

Les revenus

D'un point de vue financier, l'instabilité des pigistes peut également être bien gérée. «Ils doivent apprendre à estomper les creux en répartissant les revenus au fil des semaines, en considérant les hauts et les bas, explique la psychologue Marie-Ève Lacasse. Il faut aussi briser le cliché voulant que les travailleurs autonomes gagnent nécessairement moins d'argent que les salariés. Même s'ils sont sans contrat pour certaines périodes, leurs revenus annuels peuvent être supérieurs à ceux des salariés. Et n'oublions pas que les salariés peuvent eux aussi faire des heures supplémentaires et rapporter du travail à la maison. Au final, un couple aux horaires différents peut arriver à s'adapter en travaillant en équipe.»

Lors d'une période creuse, Thierry Zambo n'hésite pas à payer une sortie de couple ou à faire l'épicerie, même s'il n'habite pas avec Heidi. «Je passe souvent les deux tiers de ma semaine chez Heidi, alors c'est la moindre des choses. Je connaissais sa réalité financière avant de m'embarquer et je l'ai acceptée. Je suis loin d'être une victime. Quand je peux aider, j'aide.»

Insécurité

N'ayant pas un tempérament jaloux, Zambo affirme qu'il n'a jamais ressenti d'insécurité par rapport à la liberté de sa copine pigiste, qui peut être où elle veut, avec qui elle veut et quand elle veut grâce à son horaire souple.

Selon la psychologue Marie-Ève Lacasse, l'insécurité liée à l'emploi du temps d'un conjoint est représentative de la qualité de la relation. «Le problème, ce n'est pas la réalité professionnelle du pigiste, mais plutôt le fait qu'un conjoint soit laissé dans le néant. Si un travailleur autonome sait que son partenaire est inquiet, il peut rétablir le climat de confiance en l'informant de ce qu'il fait et en se rendant disponible.»

Les couples formés par un pigiste et un salarié sont donc viables à long terme, sans que l'un des deux change son mode de vie pour épouser celui de son conjoint. «L'un des moteurs de l'amour, c'est d'être fier et admiratif de son partenaire, rappelle la psychologue. Des conjoints qui s'épanouissant dans leur travail, c'est bien plus important que des horaires qui concordent à tout prix.»