Votre collègue est ambitieux. Expert des jeux de coulisses et de la manipulation, il est prêt à tout pour arriver à ses fins. Il n'hésite pas à mentir et à s'approprier le travail des autres si cela peut servir ses intérêts. Rien ne semble l'émouvoir, même pas les larmes de l'employé qu'il vient de congédier. Vous êtes peut-être en face d'un psychopathe.

«Je n'ai aucune compassion pour les patients que j'opère», a confié un grand neurochirurgien à Kevin Dutton, chercheur en psychologie de l'Université d'Oxford et auteur de The Wisdom of Psychopaths. Serez-vous surpris d'apprendre que ce médecin qui sauve des vies chaque jour est un psychopathe?

Psychopathes, comme les tueurs en série? Oui, mais sans le côté criminel. On en retrouve aussi comme chef d'entreprise, avocat, vendeur, journaliste ou chirurgien. Parfois, ces personnes ont même davantage de succès dans certaines tâches que leurs collègues «normaux», avance Kevin Dutton.

Pour être un psychopathe confirmé, il faut notamment un sang-froid à toute épreuve, un talent pour la manipulation et la persuasion, un esprit pragmatique ainsi qu'une absence d'empathie. Ces caractéristiques peuvent être des atouts dans certaines professions. Ça vous dit quelque chose?

«Le psychopathe a certaines tendances extrêmes qui peuvent mener à l'excellence, mais il y aura des dommages collatéraux», prévient Julie Carignan, psychologue chez SPB Psychologie organisationnelle. Par exemple, un psychopathe peut engendrer un tel stress parmi les membres de son équipe qu'ils commettront davantage d'erreurs.

Les résultats à tout prix

En raison de leur personnalité particulière, les psychopathes sont plus attirés par certaines professions. Certains milieux de travail valorisent également le fait d'être prêt à tout pour atteindre le sommet. Ils encouragent les attitudes psychopathiques. «C'est le cas des organisations qui mettent beaucoup de pression pour obtenir des indicateurs de performances plus quantitatifs que qualitatifs, comme le chiffre d'affaires ou les indices boursiers», indique Gérard Ouimet, psychologue et professeur à HEC Montréal. Dans certaines organisations, jusqu'à 70% de la rémunération est composée de bonis individuels. Cela attire les psychopathes.

Selon Kevin Dutton, c'est parmi les chefs d'entreprise que l'on retrouve le plus de psychopathes. «Dans un poste semblable, ils modulent la culture de l'entreprise en fonction de leur personnalité et de leur perception du monde, note M. Ouimet. Ils vont donc encourager les comportements psychopathiques: être axé sur les résultats, demeurer insensible, etc. Pour eux, l'essentiel est l'atteinte des résultats, peu importe les individus et les conséquences pour ceux-ci.»

Des spécialistes estiment que les psychopathes représentent de 1% à 2% de la population. Plusieurs, parmi ceux-ci, ne deviendront jamais des criminels. Leur nombre demeure cependant difficile à évaluer, car un psychopathe ne consultera jamais un psychologue, note M. Ouimet.

Ils sont d'autant plus ardus à détecter qu'ils peuvent aussi être tout à fait charmants. «Ce sont des gens qui sont très charmeurs et persuasifs, note Gérard Ouimet. Le psychopathe primaire fonctionne grâce à la tromperie. Tout est basé sur l'image, les apparences, la flagornerie et la manipulation.» Les criminels en cravate en sont de parfaits exemples, selon lui. Ils sont d'habiles baratineurs.

Que faire si un psychopathe occupe le bureau d'à côté? «Avoir un collègue avec une personnalité toxique peut nuire à notre santé. Si on a de l'autorité pour intervenir, on doit le faire. Si on n'en a pas, on peut influencer le patron. Si on n'a ni pouvoir ni influence, on peut partir», résume Julie Carignan.

Abus de pouvoir

Les psychopathes abusent de leur pouvoir, remarque M. Ouimet. Les patrons devraient donc leur en donner le moins possible. Des mécanismes de surveillance aléatoires sont également essentiels pour éviter qu'ils se transforment en criminels en col blanc. Devant un collègue psychopathe, il suggère de limiter les conversations au minimum nécessaire. Tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous!

Julie Carignan prévient toutefois de ne pas accoler trop rapidement une étiquette aux gens. «Je préconise de commencer par laisser le bénéfice du doute et ouvrir la discussion pour essayer de comprendre l'attitude de la personne.»