C'est Emploi-Québec qui le dit: les gens en âge de prendre leur retraite, ou qui sont déjà retraités, demeureront plus que jamais sur le marché du travail au cours des 10 prochaines années. En guide de deuxième carrière, la plupart d'entre eux occuperont un emploi de journalier ou de commis. Mais une part grandissante deviendra consultant, coach ou conseiller. Bref, ces gens deviendront travailleurs autonomes sur le tard.

Le phénomène des retraités qui retournent sur le marché de l'emploi afin de travailler à leur compte a été engendré à la fois par les entreprises privées et le secteur public, explique Alain Gosselin, professeur titulaire au Service de l'enseignement de la gestion des ressources humaines à HEC Montréal.

«Dans le privé, les employeurs en viennent à ce genre d'entente, car ils ne veulent pas perdre une expertise qui leur est précieuse, dit-il. Et dans le secteur public, surtout dans les villes, c'est très fréquent parce que les gens prennent leur retraite trop tôt. Ils deviennent consultants, car ils ont une expérience dont la ville a besoin, mais aussi pour demeurer actifs.»

Bien entendu, après 35 ans de carrière, les nouveaux travailleurs autonomes veulent désormais des horaires et des conditions de travail qui leur conviennent. «Ils acceptent de reprendre du service, mais à leurs conditions. Un horaire de deux ou trois jours par semaine, pas trop de responsabilités, etc. Et les entreprises, dans le contexte actuel, ne peuvent plus tellement faire autrement que d'accepter ces conditions», croit Alain Gosselin.

Acquérir une expertise

Mais ne devient pas travailleur autonome qui veut. Et surtout pas consultant ou coach, comme c'est la mode depuis quelques années.

«Il faut avoir acquis une expertise, avoir quelque chose à vendre. On doit avoir un CV qui vient appuyer cela. C'est élémentaire», explique Claude Bourdon, conseiller en ressources humaines agréé.

À son compte depuis près de 30 ans, M. Bourdon donne une formation sur les façons de se lancer en affaires dont le titre est «Faire le saut en pratique privée et réussir».

«J'ai deux types de participants: les gens en fin de carrière et les jeunes qui veulent se lancer à leur compte. Je leur enseigne tout ce qu'il y a à faire en dehors du domaine professionnel. Ils ont leur expertise; je leur montre comment être en affaires», dit-il.

Le spécialiste en RH, membre CRHA, prévient d'ailleurs les aspirants entrepreneurs en âge avancé: «Monter une entreprise peut prendre à peu près cinq ans. Ne vous lancez pas dans l'aventure si vous n'avez pas d'autres revenus et au moins six mois de réserve. Quelqu'un qui se lance en affaires quand il a un revenu de retraite est grandement avantagé», dit-il.

Sylvain Fausse fait partie de ces privilégiés. «Ce qui fait ma liberté, c'est mon régime de retraite. Je travaille à mon compte parce que ça me garde actif, allumé. On me pose souvent la question: pourquoi continuer à travailler? Parce que je continue à apprendre et à avoir des défis», dit-il.

M. Fausse a travaillé 35 ans à IBM Bromont, notamment en ressources humaines. Retraité depuis 2005, il a pris une pause d'un an avant de retourner sur le marché du travail, mais cette fois-ci dans des PME.

«J'avais l'expérience de la multinationale; je voulais connaître la réalité des PME avant de me lancer à mon compte, ce que j'ai fait en 2010. Aujourd'hui, je travaille environ deux jours par semaine», explique le résidant de Granby qui se présente désormais comme consultant en gestion organisationnelle.

La mauvaise nouvelle, pour ceux et celles qui souhaitent travailler à leur compte sur le tard, est qu'il n'existe, sauf erreur, pas de programme d'aide au démarrage de ce type de microentreprises.

«C'est un secteur d'activité où ça bouge beaucoup. C'est assez concurrentiel pour qu'on ne soit pas obligés d'intervenir. On ne veut pas générer d'injustice. Même dans le programme de soutien au travail autonome (STA), il est écrit noir sur blanc que tout ce qui est consultant ou conseiller n'est pas admissible», explique Marie Panneton, commissaire aux entreprises au centre local de développement Haute-Yamaska.

Trois incontournables quand on veut se lancer à son compte après 55 ans, selon Claude Bourdon, conseiller en ressources humaines agréé

1. Acquérir des connaissances financières pour bien gérer son entreprise. La liquidité, la facturation, le contrôle des coûts, etc. Ne pas avoir de telles connaissances peut faire péricliter une entreprise en démarrage.

2. Bien établir son marché et son offre de service. Se présenter comme généraliste est une mauvaise idée. Il faut se trouver un créneau, une expertise particulière.

3. Entretenir un réseau. Pas dans le cadre de cocktails ni de 5 à 7, mais plutôt en assurant une présence sur les médias sociaux. Le premier contact se fait souvent par internet. Avoir un bon site web, qui n'est pas tape-à-l'oeil, mais pratique, est également un atout.