Les jeunes handicapés ont plusieurs points en commun avec les autres jeunes: ils ont des rêves, des champs d'intérêt et des compétences. Pour faciliter leur transition entre l'école et la vie adulte, ils ont besoin d'un accompagnement particulier. Coup d'oeil sur la démarche conçue en Estrie.

Chloé (nom fictif) a une déficience intellectuelle légère. Elle a participé à la démarche estrienne de transition entre l'école et la vie adulte (TEVA). Pendant son premier stage en entretien ménager, elle a réalisé qu'elle n'était pas à sa place. Elle a ensuite tenté sa chance comme aide-cuisinière dans un restaurant où elle a vécu un véritable coup de coeur. Son patron l'a embauchée à la fin de son stage.

Chloé est un bel exemple de réussite de la démarche TEVA qui compte 150 participants depuis 2000. Le volet personnel et social du projet mène vers différentes activités de loisir ou de bénévolat tandis que le volet socioprofessionnel mène à l'insertion sur le marché du travail.

«À la fin de la démarche, environ la moitié des participants du volet socioprofessionnel réussissent à s'intégrer en emploi», indique Marie-Lyne Courchesne, conseillère d'orientation et agente de liaison chez Engagement Jeunesse en Estrie.

Les participants ont par exemple un handicap visuel, une déficience intellectuelle, un trouble de langage, un problème de santé mentale, un trouble envahissant du développement. Plusieurs ont de multiples incapacités. Les jeunes ciblés pour la démarche vivent de sérieuses difficultés dans leur parcours scolaire.

«On veut éviter que le jeune termine l'école et se retrouve inactif à la maison, sur l'aide sociale. Souvent, il ne peut pas rester seul, donc un parent quitte son emploi pour s'occuper de lui. S'ensuit le risque d'isolement et de dépression pour le jeune et son parent», remarque Mme Courchesne.

Intervenir au bon moment

Pour qu'un jeune handicapé réussisse sa transition entre l'école et la vie adulte, il faut intervenir au bon moment.

Au fil des ans, Nancy Gravel, agente de développement chez Trav-Action, Service d'intégration à l'emploi pour les personnes handicapées, à Sherbrooke, a tenté plusieurs formules.

Elle a réalisé qu'avant l'âge de 15 ans, les jeunes n'ont pas la maturité nécessaire pour entreprendre la démarche.

Il faut également du temps.

«L'idéal est de s'y prendre trois ans avant la fin prévue des études secondaires, affirme-t-elle. Pour les jeunes très limités, on pourrait commencer une année ou deux plus tôt.»

Du rêve à la réalité

La démarche englobe toutes les sphères de la vie du participant. «Pendant la première année, on regarde les champs d'intérêt du jeune, ce qu'il souhaite pour son avenir par rapport à l'école, au travail, aux loisirs, à sa vie amoureuse. On part de lui, de ses rêves: on ne le restreint pas», explique Nancy Gravel.

La démarche intègre aussi l'entourage du jeune.

«Les parents et les enseignants sont mis à contribution. Parfois, on peut aller chercher d'autres partenaires comme le centre de santé et de services sociaux ou un centre de réadaptation. On élabore un plan d'action et chacun travaille sur des objectifs», explique Mme Gravel.

Ensuite, on regarde si le projet du jeune est réaliste.

«Disons qu'une participante veut devenir infirmière, mais qu'elle a l'équivalent d'une cinquième année du primaire, dit Mme Gravel. Je regarde ce qui se cache derrière ce désir. Est-ce qu'il y a une infirmière dans sa famille? Est-ce qu'elle adore les personnes âgées? À partir de ces éléments, on arrivera à trouver un stage qui l'intéresse.»

Après cette expérience, de nouveaux objectifs sont ciblés pour le jeune. Il devra aussi trouver un emploi d'été.

Différents outils peuvent être utilisés pour adapter le milieu de travail. Les employeurs bénéficient également de subventions gouvernementales pour compenser le manque de productivité d'un employé handicapé.

«Il faut trouver le bon milieu de travail pour le jeune, affirme Marie-Lyne Courchesne. Ensuite, la clé du succès est l'accompagnement. Il faut faciliter la communication entre le jeune et l'employeur, regarder ce qui fonctionne moins bien et tenter de trouver des solutions.»

La troisième année de la démarche sert à augmenter au maximum l'employabilité du participant. L'idéal est qu'il puisse demeurer dans le milieu de travail où il a acquis son expérience. Sinon, l'équipe TEVA s'assure qu'il aura un autre emploi, ou des activités organisées à sa sortie de l'école.

La démarche est financée en Estrie par Emploi-Québec, l'agence de la santé et des services sociaux et les commissions scolaires.