Chaque année, le ramadan revient et apporte son lot de questionnements pour les employeurs. Jusqu'où s'étend leur devoir d'accommodement? Nathalie Bussière, avocate, apporte quelques éléments de réponse pour s'y retrouver et s'assurer de ne pas contrevenir à la Charte des droits et libertés de la personne.

Depuis le 20 juillet, les musulmans sont entrés dans une période de l'année particulière: le ramadan. Dans toute entreprise qui emploie des personnes de confession musulmane, le point de départ est, pour les employeurs, de faire preuve de sensibilité, d'une part, et de connaissance de ce rite d'autre part, note Nathalie Bussière, avocate et associée chez Blake, Cassels et Graydon S.E.N.C.R.L..

Pour les musulmans, il est interdit pendant le ramadan, qui s'étale sur 30 jours, de manger et de boire entre l'aube et le coucher du soleil. Contrairement à plusieurs fêtes religieuses, qui ont lieu à date fixe, le ramadan suit le rythme du calendrier musulman (lunaire). Le moment où il a lieu varie donc d'année en année. La fin du jeûne est habituellement soulignée par une grande fête, l'Aïd el-Fitr.

Au Québec, la Charte des droits et libertés de la personne stipule qu'un employeur (ou quiconque) ne peut imposer de conséquences négatives aux employés en raison de leur religion, race, langue ou orientation sexuelle, détaille Me Bussière. «Le ramadan fait partie de ces situations auxquelles l'obligation d'accommodement s'applique de façon particulière», affirme Me Bussière.

Éviter la discrimination

Pour bien comprendre l'obligation d'accommodement, aussi appelé accommodement raisonnable, il faut savoir qu'elle est née dans un contexte où «on a vu lentement se développer des comportements qui n'avaient pas comme intention de créer la discrimination, mais qui le faisaient, de façon indirecte», explique Me Bussière.

On peut penser aux commerces de détail qui ont commencé à ouvrir le week-end et qui employaient des personnes appartenant à des religions qui interdisaient le travail, par exemple, entre le lever et le coucher du soleil le samedi, journée du sabbat pour la communauté juive. «C'est dans des contextes comme celui-là que des tribunaux ont rappelé aux employeurs que lorsqu'on a une norme qui a un effet négatif sur des groupes de gens protégés par la Charte, on doit essayer d'accommoder leurs besoins jusqu'à ce qu'on appelle la contrainte excessive», ajoute l'avocate.

Du cas par cas

Suivre les préceptes du ramadan, notamment lorsqu'il se déroule en plein été, alors que les heures d'ensoleillement sont longues, peut causer des problèmes de rendement ou d'absentéisme. «On peut penser à un employé qui sera moins efficace que d'habitude dans son travail ou qui va s'absenter plus fréquemment», donne Me Bussière en exemple.

Comment réagir en tant qu'employeur? D'abord, en examinant la situation et en la remettant dans son contexte, plutôt que de réagir comme on le ferait dans une situation normale: «Quand un employeur sait qu'il a des employés de religion musulmane et qu'il constate des problèmes au niveau du rendement ou des comportements qui ne sont pas habituels, il ne peut pas faire preuve d'aveuglement volontaire. Il doit prendre le ramadan en considération», explique Nathalie Bussière.

Devant de telles situations, la jurisprudence tend désormais à demander à l'employeur d'être un peu plus proactif dans la recherche de solutions, comme modifier les tâches ou l'horaire de travail, note Me Bussière. «Mais il ne faut pas que ce soit une punition», avertit-elle.

À quel moment la contrainte devient-elle excessive? On ne peut généraliser, selon l'avocate. «La limite est difficile à décrire, car elle varie selon les situations et les employeurs. Par exemple, un employeur qui a des ressources importantes aura un seuil plus élevé au niveau de la contrainte excessive qu'une petite entreprise qui a peu d'employés. Il faut aussi voir les impacts sur les autres employés, dans les cas où il y a du travail d'équipe, et ne pas oublier non plus l'aspect santé et sécurité au travail», conclut-elle.