Il y a cinq ans, la création de la commission Bouchard-Taylor a fait grand bruit partout au Québec. Depuis, la «crise des accommodements raisonnables» s'est calmée, mais les demandes sont toujours là, et les organisations doivent se montrer créatives.

Veg Pro, important producteur de légumes frais situé à Saint-Patrice-de-Sherrington, en Montérégie, est l'une de ces entreprises où les accommodements raisonnables font partie du quotidien.

Le groupe de 500 employés forme une mosaïque de cultures très diverses.

Traduction de certains documents en espagnol, modification de l'horaire pour des raisons religieuses et sur demande, politique de congé sans solde pour un voyage dans son pays d'origine par exemple, installations accessibles aux personnes à mobilité réduite: les accommodements sont nombreux.

«Il y a une ouverture sur le monde, ça fait partie des valeurs de l'entreprise. Il n'y a pas de jalousie, parce que tous les employés savent qu'ils peuvent en bénéficier. Le congé sans solde, par exemple, pourrait aussi être accordé à un employé à la recherche d'une garderie pour ses enfants», explique Chantal Teasdale, directrice des ressources humaines.

Elle assure que la mise en place de ces accommodements est bien moins compliquée qu'elle en a l'air.

Le motif le plus courant d'accommodement

Être accommodant, c'est toutefois plus qu'une valeur d'entreprise: c'est avant tout une obligation légale. Les employeurs sont tenus de s'adapter pour éviter toutes formes de discrimination.

On a tendance à l'oublier, mais l'accommodement raisonnable ne concerne pas seulement la religion. Il touche aussi la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale et le handicap.

«Le motif le plus courant d'accommodement raisonnable en milieu de travail est le handicap. On a donné à ce terme une définition étendue. Une personne qui connaît des ennuis de santé de manière générale peut être assimilée à une personne handicapée», précise Me Christian Brunelle, professeur à la faculté de droit de l'Université Laval.

Pour se soustraire à son obligation, un employeur doit démontrer que l'accommodement cause une contrainte excessive, comme un coût très élevé, un effet majeur sur le fonctionnement de l'organisation ou un problème de sécurité. De manière générale, on considère qu'une grande entreprise a une faculté d'accommoder plus importante qu'une petite.

Collaboration entre patron, syndicat et employeur

Dans la recherche de solutions, le leadership revient au patron, mais le travailleur et le syndicat doivent néanmoins collaborer.

«L'employeur doit être imaginatif et chercher activement des solutions, mais l'employé ne peut pas rester les bras croisés et attendre qu'il trouve un accommodement parfait pour lui. Il doit contribuer à trouver des solutions. Le syndicat doit aussi faire preuve de souplesse», indique Jean-Sébastien Imbeault, conseiller en matière d'accommodements raisonnables à la Commission des droits de la personne.

De plus, l'employeur doit s'assurer que l'application de l'accommodement accordé se déroule bien. «Gérer les réactions du personnel fait partie de l'obligation d'accommodement. Cela peut faire l'objet d'une formation ou de sensibilisation.

L'employeur doit veiller à ce que la personne bénéficie réellement de son accommodement et ne soit pas l'objet de représailles, indique M. Imbeault. D'ailleurs, un employeur ne peut pas refuser un accommodement sous prétexte que les autres employés réagiraient mal.»

Tout comme Me Brunelle, il insiste toutefois sur le fait que la grande majorité des demandes d'accommodement raisonnable se règlent sans problème.

Par ailleurs, la Commission des droits de la personne mettra en ligne l'automne prochain un guide en matière d'accommodements raisonnables destiné aux décideurs. Celui-ci s'ajoutera au service-conseil mis en place en 2008 par la Commission.