En 2002, Pierre Nadeau avait 25 ans et le goût de l'aventure. Après des études mixtes en photographie et en gestion, il est parti pendant un an au Japon. Fasciné par ce pays riche en traditions, il a découvert la forge de sabre japonais, un art millénaire classé parmi les trésors nationaux. Un coup de coeur qui a modifié son choix de carrière.

Avant son départ, il était tombé par hasard sur le livre La pierre et le sabre, version romancée de la vie du célèbre samouraï Musashi Miyamoto. On y parlait de forge d'arme, un métier traditionnel transmis de maître à apprenti depuis environ 1200 ans.

Curieux de nature, M. Nadeau se met à la recherche d'ateliers de forgerons dès son arrivée au Japon. Après quelques mois, il en visite enfin un à Bizen. Il vit un moment de grâce en observant l'artisan qui travaille en silence, avec précision et rigueur. Sa quête devient évidente: trouver un «maître» qui l'accepte comme apprenti forgeron. Le voyage se termine sans l'avoir dégoté.

Déterminé, il fait quelques allers-retours en Orient avant d'être accepté par un jeune forgeron du Kansai (région à l'ouest d'Osaka). En 2005, il déniche une baraque pour vivre près de l'atelier; c'est la façon de faire pour assimiler l'art de la forge

L'apprentissage est très ardu et le jeune Québécois doit s'adapter à plusieurs aspects de sa culture d'adoption. La relation du maître face à son apprenti est autoritaire et à sens unique, sans rémunération et sans échange. «Il ne s'agit pas de s'effacer, mais d'accepter que le maître est plus compétent que l'apprenti. On doit toujours faire preuve d'ouverture et de respect», explique-t-il. À ce jour, seulement deux Occidentaux (aujourd'hui décédés) ont achevé l'apprentissage de forgeron de sabre selon la tradition japonaise.

Au cours de son périple, il fait la rencontre d'une Japonaise avec qui il se marie en 2008. Ils fonderont une famille et vivront en alternance entre le Québec et le Japon.

Retour au Québec

À l'été 2011, ce n'est pas le tsunami qui ramène M. Nadeau au bercail, mais plutôt le poste de directeur général des Forges de Montréal, un centre de recherche, d'interprétation et de transmission des connaissances des métiers du fer, destiné aux artisans professionnels et ouvert au grand public. Dans ce nouveau défi, ses études en gestion sont également un atout.

En plus de contribuer à la recherche sur la forge, il s'efforce de transmettre l'expertise acquise au Japon pour mieux l'enraciner au Québec et même à travers l'Occident. «Il y a un manque de ressources pour apprendre le métier ici, alors il faut travailler à redécouvrir les techniques ancestrales du forgeron».

Après 300 ans de savoir-faire, les forgerons québécois de tradition sont disparus dans les années 80. Mais selon l'historien Robert Tremblay, on constate une certaine renaissance du métier récemment (ferronnerie d'art, fer décoratif, restauration d'édifices patrimoniaux). La relève compte une douzaine d'artisans et un nombre grandissant d'amateurs.

Dix ans après son voyage initiatique au Japon, Pierre Nadeau est fier de poursuivre l'aventure sur sa terre natale et se voit aussi confier le rôle de «conseiller spécialisé en sabre» pour l'exposition Samouraïs - La prestigieuse collection de Richard Béliveau, au musée de Pointe-à-Callière, qui aura lieu du 17 mai 2012 au 31 mars 2013.

Tenace et passionné, Pierre Nadeau n'a pas fini d'alimenter le feu sacré qu'il voue au métier de forgeron. Se considérant toujours comme un apprenti, il forge sans relâche. Ses maîtres japonais lui ont appris que cela prend toute une vie pour devenir forgeron.

Pour en savoir plus sur Les Forges de Montréal et leurs activités: www.lesforgesdemontreal.com

Cours privés offerts par certains membres de La confrérie des Forgerons www.forgerons.qc.ca

Cours en forge d'art (option sculpture): Maison des métiers d'art du Cégep de Limoilou www.mmaq.com

Formation de forgeron en Ontario www.collegesdelontario.ca