Départ massif à la retraite, pénurie de main-d'oeuvre qualifiée: que fait-on réellement dans les milieux de travail pour retenir les têtes grises?

Ces temps-ci, ça fourmille plus qu'à l'habitude dans les bureaux de KPMG, au centre-ville de Montréal. De janvier à juin, c'est la période de pointe pour les fiscalistes. Des «retraités» viennent donc gonfler les rangs pendant ces mois de l'année.

«Ils ne travaillent à temps plein que pour cette période de l'année et par la suite, ils redeviennent retraités», explique Gregory Cecchin-Léger, directeur des ressources humaines, KPMG Montréal.

La firme permet ce genre d'arrangements à différents types de professionnels.

«Plusieurs personnes souhaitent prendre leur retraite, sans toutefois se couper complètement du monde du travail. Ces ententes représentent le meilleur des deux mondes pour les deux parties», affirme M. Cecchin-Léger.

KPMG permet aussi à tous ses employés de travailler à temps partiel. De plus, plusieurs retraités de KPMG agissent comme consultants auprès de la firme.

«Nous utilisons le modèle de consultation depuis longtemps pour nos associés et de plus en plus, nous l'utilisons pour les employés», précise M. Cecchin-Léger.

Cynthia Labonté, directrice de recherche de cadres chez Drakkar, firme spécialisée en ressources humaines, ne sera certainement pas surprise de lire les propos de Gregory Cecchin-Léger.

Elle remarque que les entreprises qui oeuvrent dans le grand domaine du service-conseil reconnaissent généralement davantage la valeur de l'expérience que d'autres. «Par exemple, on verra souvent des avocats travailler à l'âge de 70 ans. C'est la même chose avec les notaires, les comptables, les spécialistes du financement, etc. Souvent, l'expérience amène dans ces domaines une certaine notoriété», explique Cynthia Labonté.

Comment cela se passe-t-il dans la fonction publique québécoise? Le Secrétariat du Conseil du Trésor a répondu que les régimes de retraite et les conventions collectives prévoient plusieurs mesures pour favoriser le maintien en emploi des travailleurs expérimentés.

Par exemple, on a fait passer de 35 à 38 le nombre maximal d'années de services créditées aux fins du calcul de la rente. L'employeur peut aussi proposer à l'employé qui part à la retraite de demeurer en emploi pour le transfert de son expertise. La retraite progressive sans pénalité dans le régime de retraite est aussi possible, tout comme la réduction des heures de travail.

Des efforts à faire

Des mesures concrètes sont maintenant implantées chez certains employeurs. Cynthia Labonté remarque toutefois que dans plusieurs entreprises, la valeur de l'expérience n'est pas encore reconnue à sa juste valeur.

«Si bien que lorsqu'un cadre perd son emploi à 55 ans ou plus, il a souvent de la difficulté à retrouver un emploi puisque bien des employeurs ne sont pas prêts à embaucher quelqu'un de cet âge. Ils se disent que ce n'est pas la peine d'investir dans un employé qui ira à la retraite prochainement», indique Mme Labonté.

Or, même chez les candidats plus jeunes, rien n'indique que l'embauche sera plus durable,

«En fait, les statistiques nous indiquent qu'un professionnel ou un cadre intermédiaire quittera son emploi en moyenne après quatre ou cinq ans, précise Mme Labonté. Les employeurs ne réalisent pas ça. Souvent, je recommande donc à ces cadres expérimentés de faire du management de transition et de combler des besoins ponctuels. D'ailleurs, certains cadres préfèrent ces contrats aux postes permanents.»

Pour ce qui est des PME, Cynthia Labonté croit qu'elles ont encore beaucoup d'efforts à fournir pour retenir leur main-d'oeuvre expérimentée.

«Par exemple, souvent, le temps partiel n'est pas permis, affirme-t-elle. Comme il y a peu d'employés dans une PME, s'il manque une ressource, l'impact sur le travail des autres est important. Ça demande de la planification.»

Toutefois, Mme Labonté croit que de plus en plus, les entreprises mettront en place des mesures pour retenir les gens en âge de prendre leur retraite.

«Car quand les baby-boomers partiront, on manquera de cadres. D'autant plus que les jeunes ne veulent pas toujours monter dans la haute direction puisqu'ils souhaitent avoir un meilleur équilibre entre leurs vies professionnelle, familiale et personnelle. Finalement, pour attirer les jeunes comme pour retenir les plus expérimentés, les entreprises devront faire preuve de plus de flexibilité.»