Les victimes d'épuisement professionnel au travail sont anxieuses à l'idée de retourner au travail. C'est à la haute direction que revient la responsabilité de les soutenir dans cette étape. Sinon, gare à la rechute!

Reprendre le collier après un burnout n'est pas un signe de guérison. Au contraire, ce moment fait partie du rétablissement. S'il est mal planifié, il peut conduire tout droit à la rechute, surtout si les problèmes de l'employé sont directement liés au travail, estime Louise St-Arnaud.

«Le problème de l'épuisement professionnel ne se règle pas qu'avec des médicaments et une thérapie, affirme-t-elle. Il faut absolument revoir l'organisation du travail. C'est la seule façon qu'ont les employeurs de ramener leurs employés... et de les maintenir en poste.»

Car c'est là où le bât blesse. Cette psychologue et spécialiste de l'environnement psychosocial du travail à l'Université Laval a mené une étude en 2007 auprès de 1850 fonctionnaires provinciaux s'étant absentés en raison de problèmes de santé mentale. La majorité d'entre eux estimaient que leur départ était causé par le travail. Environ la moitié de ceux qui étaient de retour au travail jugeaient que rien n'était réglé.

«Sans changement, ils risquent de retomber plus bas», remarque la chercheuse. Elle ajoute que le secret d'un retour réussi réside dans une double dynamique: l'employeur doit s'impliquer bien avant le jour J et le travailleur doit comprendre qu'il est un acteur clé de son retour.

Les patrons de Sophie l'ont bien saisi. Après plusieurs mois de congé pour cause d'épuisement professionnel, cette cadre dans une commission scolaire a pu rencontrer ses supérieurs pour discuter des conditions de son retour.

«Ils ont compris que j'étais incapable de reprendre les mêmes fonctions et m'ont proposé un mandat différent en attendant le poste que je convoitais, celui de directrice d'école primaire, raconte-t-elle. Ils ont été compréhensifs. Jamais ils ne m'ont font sentir que j'étais incapable.»

Des centaines de travailleurs n'ont pas la chance de Sophie. «Il reste encore beaucoup à faire, croit Louise St-Arnaud. Mais des entreprises commencent à voir l'intérêt d'agir sur l'environnement de travail et à mettre en place des programmes d'accueil et de soutien.»

Elle précise que des interventions précoces diminuent aussi les appréhensions du travailleur tout en renforçant son sentiment de contrôle.

Dissiper le malaise

La rencontre avec ses supérieurs n'a toutefois pas suffi à faire disparaître l'anxiété de Sophie. «J'avais peur du jugement de mes collègues, confie-t-elle. Pourtant, les gens ont été gentils, mais peu ont osé m'en parler franchement, ce que j'aurais préféré. Ce malaise nourrissait mon imagination qui partait en vrille. Je me sentais honteuse.»

Louise St-Arnaud rappelle que les tabous entourant la santé mentale sont tenaces. «Les employés devraient suivre des formations en santé mentale au travail.» Cela les aiderait à comprendre qu'ils jouent un rôle crucial dans le rétablissement de leurs collègues.

«L'employeur peut faciliter les contacts avec la personne au repos en invitant ses employés à envoyer des fleurs et des mots d'encouragement et à être présents lors de son retour, comme ils le feraient pour un deuil, une autre maladie ou l'arrivée d'un enfant, ajoute Mme St-Arnaud. On doit apprendre à traiter le burnout comme n'importe quelle autre absence.»

Le retour progressif

Une mesure préconisée pour faciliter la transition entre le congé et le travail est le retour progressif. «Ça aurait été impensable de revenir autrement, confirme Sophie. Le premier jour, mon cerveau était saturé au bout d'une heure et demie!»

«C'est une stratégie intéressante pour se réapproprier le travail, pour autant que la progression se fasse autant dans le temps que dans les tâches», indique Louise St-Arnaud.

En effet, rentrer au travail deux jours par semaine ne sert à rien si on est encore victime de harcèlement psychologique. «L'employé doit sentir qu'il est attendu et qu'on a modifié son environnement de travail en conséquence», dit-elle.

Pour Sophie, la progression s'effectue à un autre niveau. Depuis son retour au travail, elle poursuit des cours de développement personnel. «Quand on est en burnout, on a l'impression d'étouffer, témoigne-t-elle. Travailler sur soi, c'est dur, mais c'est aussi libérateur.»