Les employés victimes d'infractions multiples aux normes du travail ne sont pas ceux à qui l'on pense généralement.

D'après une vaste étude menée par la Commission des normes du travail, les salariés qui sont victimes de trois infractions ou plus correspondent sur plusieurs points aux travailleurs du savoir: diplôme universitaire, poste de professionnel et salaire de 1000$ ou plus par semaine.

Par travailleur du savoir, l'organisme chargé de faire respecter la loi sur les normes du travail entend le secteur des services à l'exclusion de l'hébergement, de la restauration et du commerce de détail.

En fait, les travailleurs instruits ne semblent pas avoir conscience que la Loi des normes s'applique à eux et pas seulement aux gagne-petit. Le sondage révèle que 62,4% des employés qui ont subi trois infractions ou plus ont l'impression que leur employeur respecte totalement les normes.

D'après cette enquête, les deux infractions les plus fréquentes à la loi sont la non-inclusion des pourboires dans le calcul de la paye de vacances et le paiement ou la compensation à taux simple des heures supplémentaires.

Les normes prévoient le paiement ou la compensation des heures supplémentaires à taux et demi après 40 heures par semaine pour la plupart des travailleurs. Un travailleur de l'économie du savoir a deux fois plus de risques de faire l'objet d'une infraction relative aux heures supplémentaires.

Seulement pour le mois de juillet 2010, les heures supplémentaires non payées à taux majoré, en infraction à la loi, représentent un manque à gagner de 10 à 20 millions de dollars pour les travailleurs québécois, a souligné Diane Leblanc, vice-présidente des services à l'organisation, dans sa présentation des résultats de l'enquête

Le sondage, réalisé auprès de 4000 salariés en 2010 pour connaître l'application de la loi, révèle également que 58% des travailleurs sont des salariés non syndiqués assujettis à la loi, soit 750 000 personnes. Ceux-ci sont victimes d'au moins une infraction aux normes du travail.

Les résultats de l'enquête ont été rendus publics hier au Centre Mont-Royal, à Montréal, à l'occasion d'un premier colloque organisé par la Commission des normes du travail.

Dans la période d'échanges qui a suivi la présentation des résultats, des responsables de ressources humaines de PME ont pris le micro pour expliquer leur réalité. En entreprise, l'employeur et l'employé conviennent souvent d'une entente concernant le temps de travail, qui peut contrevenir aux normes sur les heures supplémentaires, mais qui fait toutefois l'affaire des deux parties.

«Il y a des problèmes qui ont trait à la loi elle-même, convient Yves-Thomas Dorval, président du Conseil du patronat. On peut remettre en cause certaines dispositions de la loi qui ne tiennent plus compte du contexte dans lequel les entreprises évoluent», fait-il valoir, en donnant en exemple les dispositions de la loi sur les heures supplémentaires. Pourquoi viendrait-on nous dire, dans le rapport entre une entreprise et son employé, vous n'avez pas le droit de faire ça?»

Un experte, Me Stéphanie Bernstein, qui est professeure à l'Université du Québec à Montréal, a néanmoins souligné l'importance pour l'État de limiter le temps de travail pour des raisons de santé. Elle suggère à la Commission de forcer les employeurs à afficher sur les lieux de travail les principales normes du travail prévues par la loi.

Autre expert, Florent Francoeur, président de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, s'est interrogé à voix haute sur la nécessité pour la Commission des normes de consacrer des énergies à la défense de travailleurs instruits qui sont visiblement heureux de leurs conditions de travail. Plus de 50% des salariés québécois ont pour unique contrat de travail la Loi sur les normes du travail.