Le harcèlement psychologique au travail peut prendre plusieurs formes, qu'il importe de pouvoir différencier en tant qu'employeur. Parmi elles, le mobbing peut être dévastateur pour les victimes et indiquer un problème de gestion ou de culture d'entreprise.

Gabriella Wennubst s'intéresse au mobbing depuis ses études en droit à l'Université de Neuchâtel, en Suisse. Avocate de barreau et chercheuse, elle vient tout juste de faire paraître Mobbing. Le harcèlement en entreprise: victoire ou défaite de l'employeur? aux Éditions Eyrolles.

Le terme «mobbing» vient de l'anglais «mob» («foule» ou «cohue» en français). Dans le monde animal, il décrit le comportement de petits oiseaux qui, lorsqu'ils se sentent menacés, attaquent en groupe un prédateur de façon inattendue et agressive.

Pour Mme Wennubst, qui étudie dans son livre ce phénomène désormais associé au monde du travail, le mobbing «est une répétition d'actes hostiles par un ou des auteurs tendant à isoler, éloigner ou exclure la victime d'un cercle de relation données, voire à la neutraliser, par exemple en la faisant démissionner.»

Le mobbing n'est pas exclusif au monde du travail, mais serait «vieux comme le monde», affirme l'auteur. «C'est une stratégie de résolution de problème agressive et attentatoire. On peut en voir dans n'importe quel domaine de la vie: un voisin embêtant qu'on veut faire déguerpir ou un concurrent économique qu'on veut exclure du marché...»

Effets pervers

Pour ne pas se laisser prendre au jeu du mobbing, il faut comprendre ce qui motive l'agresseur (le «mobbeur») à agir: «La victime représente une menace, réelle ou imaginaire, aux objectifs que le mobbeur veut atteindre. Il adopte la stratégie du mobbing pour éloigner la victime qui entrave son chemin.»

Dans son livre, l'avocate donne l'exemple d'un jugement rendu en Suisse, où une employée enceinte se rend à son travail pour découvrir que son employeur a engagé sa remplaçante. Elle se voit confiner dans une salle d'exposition et son employeur lui interdit d'en sortir, de parler aux autres et ne lui donne aucun travail. Il interdit même aux autres employés de lui adresser la parole. Ensuite, l'employeur prétend que l'employée a refusé de faire son travail. Cette dernière, à bout et incapable de rétablir les faits, finit par démissionner.

Un des effets pervers du mobbing est de renverser les rôles de victime et de coupable, explique l'avocate: «On va avancer que la personnalité difficile ou l'incompétence de la victime, par exemple, lui méritent son rejet. Ce sont des mécanismes extrêmement troublants qui finissent par porter atteinte à l'équilibre psychique.»

Les conséquences du mobbing peuvent être dévastatrices - perte de la réputation professionnelle, problèmes de santé physique et psychologique - et peuvent même s'apparenter aux syndromes post-traumatiques: dépression, pensées obsessionnelles, terreur, etc.

L'employeur: complice du mobbing?

Mis devant des cas de mobbing, beaucoup d'employeurs ont tendance à croire l'agresseur, déplore Mme Wennusbt. «Certaines entreprises, par leur mauvaise organisation, l'incompétence des gestionnaires ou leur ignorance, permettent la naissance de cas de mobbing. Des cas qui se poursuivent grâce à des employeurs qui ne voient pas ou ne veulent pas voir ce qui se passe.»

Tolérer le mobbing dans son entreprise, c'est tout simplement déléguer son pouvoir d'employeur aux mobbeurs, ajoute-t-elle. «Les mobbeurs deviennent ceux qui décident qui restera ou pas dans l'entreprise. Cela fragilise également les liens de confiance avec les autres employés, qui ne sont pas dupes.»

Pour faire échec au mobbing, une culture d'entreprise claire est l'arme la plus efficace, conclut l'auteure. «L'employeur doit donner comme instruction qu'aucun comportement, comme les commérages, méchancetés et formation de clans, ne sera toléré dans son entreprise et s'assurer que le tout soit respecté.»