«Le travail, c'est la santé», chantait Henri Salvador. Il ajoutait: «Ne rien faire, c'est la conserver.» Au travail, les employés absents n'ont pas toujours tort. Ceux qui sont présents au travail alors qu'ils sont malades ne rendent peut-être service ni à eux-mêmes, ni à leurs collègues, ni à leur organisation.

Des études québécoises révèlent qu'au cours d'une année, les employés s'absentent du travail pour des raisons de maladie de 3 à 7 jours. Les mêmes études montrent que les employés se présentent au travail malades de 6 à 10 jours par an. Alors que le premier phénomène - l'absentéisme - est bien connu, le second - appelé «présentéisme» - l'est beaucoup moins.

Pour l'employé malade, le présentéisme peut être bénéfique ou néfaste selon le type de problème de santé. Pour certains, le fait de travailler peut être un remède efficace pour certains problèmes de santé, par exemplel'embonpoint et la dépression mineure. Dans bien des cas, cependant, le fait de se présenter au travail malade peut détériorer la santé, et ce dans deux situations particulières.

La première situation survient lorsque l'employé a un problème de santé non lié à son travail - mononucléose, dépression majeure - et qu'une absence du travail est nécessaire pour arrêter l'évolution de la maladie et rétablir un niveau optimal de santé.

La deuxième situation se manifeste lorsque l'employé a un problème de santé lié à son travail - troubles musculo-squelettiques, épuisement professionnel - et se heurte à l'inertie organisationnelle.

Impacts variables

Dans ces deux situations, le présentéisme peut avoir un impact négatif sur la santé de la personne qui le pratique.

Pour les collègues, le fait de côtoyer des employés «présentéistes» peut constituer un risque pour leur santé, comme lorsqu'un employé se présente au travail infecté par le virus de la grippe.

Pour l'organisation, le présentéisme peut également entraîner des conséquences négatives comme une perte de productivité ou des coûts plus élevés que ceux qui seraient liés à l'absentéisme de ces employés.

Toutefois, il ne faut pas nécessairement conclure qu'il vaudrait mieux pour l'organisation que les employés malades qui se présentent au travail s'absentent. Tout dépend de la nature du problème de santé et des tâches accomplies de même que des caractéristiques de l'employé et du contexte de travail, en particulier des ressources disponibles. Par exemple, certaines personnes peuvent souffrir d'un problème de santé, mais offrir une performance optimale en raison du fait qu'elles possèdent des habiletés interpersonnelles et parviennent à mobiliser les ressources disponibles dans leur milieu.

Marche à suivre

L'organisation doit donc d'abord identifier les problèmes de santé les plus communs et fréquents chez ses employés. Ensuite, il faut savoir quels types de présentéisme, en regard des problèmes de santé identifiés, constituent un risque pour les individus et l'organisation. À partir de ce constat, l'organisation pourra élaborer une politique qui énonce clairement les situations où l'employé doit s'absenter du travail. Pour soutenir la mise en oeuvre de cette politique, il est nécessaire de bien former les cadres qui devront gérer les absences.

Par la suite, pour les types de présentéisme «risqués», il faut cerner les facteurs qui incitent les employés à se présenter au travail malades. Selon des études nord-américaines, les facteurs organisationnels les plus importants sont la charge de travail, le manque de ressources et de contrôle sur son travail, et l'impossibilité d'être remplacé. Du point de vue personnel, les facteurs les plus importants sont le professionnalisme, l'incapacité à dire «non», les difficultés financières, la gravité du malaise perçue et l'absentéisme antérieur.

Enfin, l'organisation doit élaborer un plan d'action pour agir sur les facteurs organisationnels et personnels. Un exemple: la possibilité de faire du télétravail peut contribuer à réduire le présentéisme de l'employé qui estime avoir peu de contrôle sur son travail et vit des difficultés financières. Dans le plan d'action, les initiatives visant à promouvoir la santé sont aussi importantes.

Bref, bien que le présentéisme ne soit pas nécessairement «malsain», en tant qu'employé, pensez-y bien avant de vous vanter que vous allez au travail même lorsque vous êtes malade. En tant qu'organisation, pensez-y bien avant de vous vanter d'avoir mis en place une culture où vos employés sont tellement «engagés» qu'ils viennent travailler même lorsqu'ils sont malades.

Geneviève Jourdain est professeure en ressources humaines à HEC Montréal. Pour la joindre: genevieve.jourdain@hec.ca.