Plusieurs personnes sourdes ou malentendantes, quoique souvent bien intégrées dans leur milieu, peinent à se tailler une place sur le marché du travail et à gagner un salaire décent.

L'écart entre le taux d'emploi des personnes handicapées et celui de la population en général demeure très significatif, même lorsqu'il s'agit de niveaux de scolarité identiques, selon Carole Foisy, chef d'équipe et conseillère du Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre (CAMO) pour personnes handicapées.

«Les gens doivent comprendre que la surdité n'est pas une déficience intellectuelle. Nous sommes tellement habitués à parler aux gens, à discuter, que la barrière de la communication nous fait éviter les gens qui ont une déficience auditive. Ça n'a aucun sens, on passe à côté de gens très intéressants dont certains ont des cheminements extraordinaires et qui ont dû combattre», déplore-t-elle.

Et pourtant, une majorité d'entreprises adaptées se disent satisfaites de leur personnel vivant avec une surdité, selon une étude publiée en 2006.

Le revenu moyen des personnes en emploi varie entre 12 000$ et 25 000$ par année. La différence salariale entre les hommes et les femmes est par ailleurs très marquée: 53% des femmes ont un salaire inférieur à 15 000$ comparativement à 21% des hommes.

«L'accès au travail est un défi pour bon nombre de personnes handicapées en dépit du fait que leur taux de scolarité s'améliore», affirme Carole Foisy.

Si le taux d'emploi, à temps plein ou à temps partiel, avoisine les 50%, il est démontré que les hommes sourds et malentendants occupent en majorité un emploi permanent (66%) comparativement aux femmes (34%). À l'inverse, les étudiants sourds et malentendants comptent une forte majorité de femmes (60%).

Aussi, les femmes sourdes et malentendantes ont un niveau de scolarité similaire à celui de la population sans incapacités. Elles obtiennent un diplôme universitaire en plus grand nombre que les hommes.

«Il y a en effet beaucoup plus de femmes que d'hommes», observe Nissim Louis, conseiller auprès des étudiants en situation de handicap à l'Université de Montréal. Plusieurs optent pour la voie des sciences humaines, de l'anthropologie, de la psychologie, de la psychoéducation, de la kinésiologie ou encore des sciences de l'éducation.

À l'Université de Montréal, le nombre d'étudiants vivant avec une surdité varie entre 35 et 40 par année. «C'est environ 10% de la population en situation de handicap de l'université. Dans la population avec des limitations auditives, 20% des étudiants ont besoin d'interprètes gestuels», explique Nissim Louis.

Persévérance et détermination

Si le parcours scolaire présente quelques embûches, certains n'hésitent pas à foncer. «Lors de ma recherche d'emploi après mon DEC en 2008, cela a été très difficile, témoigne Anne Lamarche, aujourd'hui technicienne en assistance sociale à l'Institut Raymond-Dewar. On m'a refusé une entrevue, car j'étais malentendante», se souvient-elle.

Titulaire d'un DEC en travail social et actuellement étudiante au baccalauréat en travail social, Anne ne se décourage pas. «Il faut faire des efforts pour faire valoir ses besoins plutôt que d'attendre que tout vienne des autres. On a la responsabilité en tant qu'employé de recevoir les informations et de trouver des outils pour y parvenir», dit-elle.

Annie Lafleur, orthopédagogue à l'école L'Équipage, à Val-des-Monts, a quant à elle préféré ne pas inscrire à son curriculum vitae qu'elle vivait avec une surdité. «Pourquoi m'identifier dès le départ? Comme cela, j'avais la chance de me faire valoir... Je ne sais pas si c'est préférable de l'écrire avant, mais moi, je pense que l'on peut s'éliminer soi-même de la liste de candidats, quoique les gens semblent désormais plus tolérants devant la différence», conclut-elle.

Quant à son parcours scolaire, s'il a parfois été difficile, elle n'aura jamais baissé les bras. «Il est certain qu'il est arrivé des situations pénalisantes, mais ça m'a rendue plus forte et plus débrouillarde», assure-t-elle.

Source des données statistiques: Enquête sur la formation et l'emploi en déficience auditive au Québec, Centre québécois de la déficience auditive (CQDA), 2006