Selon une nouvelle étude rendue publique en avril par Ingénieurs Canada, les perspectives d'emploi sont bonnes pour les ingénieurs canadiens. Mais de nombreux défis restent à relever, dont celui, particulièrement flagrant, de l'intégration des ingénieurs sans expérience sur le marché du travail.

Premier constat qui ressort de l'Étude sur le marché du travail dans les domaines de l'ingénierie et de la technologie: alors que les effets négatifs de la récession de 2009 tendent à se dissiper, les perspectives d'emploi pour la période 2010-2018 sont favorables aux ingénieurs. Dans toutes les provinces et pour à peu près tous les secteurs de l'ingénierie (génie civil, mécanique, chimique, informatique, aérospatial, etc.), on navigue d'une offre modérément restreinte à une offre rare. Au Québec, plus particulièrement, c'est le secteur du génie civil qui risque de connaître les plus grandes pénuries, causées par les nombreux départs à la retraite.

«Ce sont d'excellentes nouvelles pour ceux qui voudront se trouver un emploi en génie dans les prochaines années. C'est un choix professionnel qui promet du travail et une carrière excitante avec des projets et des défis», dit Chantal Guay, chef de direction pour Ingénieurs Canada, organisme national qui regroupe les 12 ordres provinciaux et territoriaux réglementant l'exercice de la profession.

C'est peut-être une moins bonne nouvelle pour les employeurs, qui devront batailler fort pour attirer et retenir les meilleurs employés, note Mike Winterfield, président de Randstad Engineering, qui a collaboré à l'étude. «Quand vous êtes dans une telle situation, vous avez plus de chances de voir des employés partir et des candidats refuser vos offres à cause de la forte concurrence. C'est vraiment un temps pour les entreprises de miser sur ce qu'elles ont à offrir et que d'autres n'ont pas. Si vous n'avez pas de qualités pour vous distinguer, vous feriez mieux de les développer rapidement!»

Le poids de l'expérience

La pénurie est particulièrement marquée pour les ingénieurs possédant de cinq à dix ans d'expérience, une denrée rare et recherchée. L'expérience des ingénieurs est notamment prisée, car tout diplômé d'une école de génie doit être supervisé pendant ses premières années de pratique par un ingénieur licencié. «Ces derniers s'assurent que le travail des ingénieurs juniors, comme on les appelle au Québec, respecte les bonnes pratiques du métier, l'éthique professionnelle et la protection du public», explique Mme Guay.

Ainsi, malgré la rareté de main-d'oeuvre prévue, beaucoup de jeunes diplômés et d'immigrants sans énormément d'expérience pourraient avoir de la difficulté à se trouver un emploi. «C'est un message très clair à la profession: il faut s'assurer que ces gens puissent trouver des emplois supervisés en génie, pour qu'à leur tour, ils obtiennent leur licence. Faute de quoi on aura un problème encore plus grand dans l'avenir», avertit Mme Guay. Selon l'étude, la difficulté à trouver une main-d'oeuvre expérimentée a mené certaines sociétés à embaucher des travailleurs étrangers et même à se délocaliser.

Pour assurer l'existence d'une prochaine génération d'ingénieurs, tous devront collaborer étroitement, de l'industrie en passant par les écoles de formation, croit Mme Guay. Certaines institutions, comme Concordia ou l'Université de Moncton, ont déjà pris un virage en offrant des programmes coop (alternance travail-études), avec stages en milieu professionnel.

Les sociétés peuvent aussi investir dans la formation des ingénieurs chevronnés de demain avec des programmes de mentorat. «Actuellement, on trouve ces initiatives surtout chez des entreprises plus progressistes, note M. Winterfield. C'est un bon départ, mais les entreprises devront apprendre à être plus créatives. Par exemple, plutôt que d'essayer de trouver chez une seule personne l'expérience recherchée, pourquoi ne pas former une équipe de travailleurs avec des expériences diversifiées et complémentaires?»

Bref, dans les circonstances actuelles, les entreprises ont tout à gagner à changer leur mentalité par rapport à l'embauche, conclut M. Winterfield. «Deux conseils: engagez en vous basant sur le potentiel plutôt que sur l'expérience et engagez les meilleurs candidats sur le marché plutôt que de vouloir absolument trouver votre candidat idéal!»