Depuis l'implantation du nouveau système informatique, un de vos employés n'offre plus un rendement adéquat en raison de son incapacité à s'adapter aux nouvelles méthodes de travail. Or, l'employé qui ne possède pas l'habileté, l'expérience ou les connaissances nécessaires pour exercer les fonctions inhérentes à son emploi ne peut fournir une prestation de travail de façon prudente et diligente, obligation qui lui incombe en vertu du contrat de travail.

En tant qu'employeur, pouvez-vous congédier cet employé ? Y a-t-il des conditions à satisfaire avant de procéder ainsi ?

Les tribunaux ont établi des critères pour juger de la légalité des congédiements pour incompétence. Il faut noter que le terme «incompétence» fait référence aux situations où des employés n'offrent pas une prestation de travail convenable en raison d'une carence qui n'est ni volontaire (par exemple l'insubordination), ni reliée à une cause médicale et ni temporaire (par exemple la perte de permis conduire).

C'est dans l'affaire Edith Cavell Private Hospital et Hospital Employees' Union Local 180 (1982), 6 L.A.C. (3d) 229 (B.C.) que les critères pour justifier un congédiement pour incompétence ont été développés. Ainsi, pour congédier un employé dans ces situations, l'employeur doit :

a) définir le niveau de rendement professionnel requis ;

b) démontrer que la norme à respecter a été communiquée à l'employé ;

c) démontrer qu'il a assuré une supervision suffisante de l'employé, qu'il lui a communiqué des directives raisonnables et qu'il lui a offert une possibilité acceptable de satisfaire à la norme, notamment en formation et en temps ;

d) démontrer que l'incapacité de l'employé à satisfaire à la norme est telle qu'il lui est impossible d'assumer la tâche et qu'il a déployé des efforts raisonnables pour trouver un poste alternatif conforme aux compétences de l'employé ;

e) démontrer que des avertissements raisonnables ont été donnés à l'employé pour l'informer qu'à défaut de satisfaire à la norme, il serait congédié.

Ces critères sont généralement appliqués par les tribunaux puisqu'ils leur permettent de vérifier si le congédiement a été imposé de bonne foi et de façon ni abusive, ni déraisonnable, ni discriminatoire. Un seul critère semble porter à controverse, soit celui qui est prévu au point d) : l'employeur doit démontrer qu'il a déployé des efforts raisonnables pour trouver un poste alternatif conforme aux compétences de l'employé.

Or, il faut souligner que très peu de décideurs considèrent le critère relatif à l'emploi alternatif comme étant essentiel pour justifier un congédiement. La plupart des tribunaux qui ont soulevé un tel critère ne l'ont fait qu'en présence de circonstances particulières. Au contraire, la très grande majorité des tribunaux n'appliquent pas ce critère (voir Costco Wholesale Canada Ltd. c. Laplante, 2005 QCCA 788). D'autres, plus explicites, refusent d'appliquer le critère relatif à l'emploi alternatif, au motif que celui-ci relève de l'obligation d'accommodement, qui ne peut naître en l'absence d'un handicap ou d'un autre motif illicite de discrimination.

Ainsi, en appliquant ces critères, les tribunaux ont tenté de concilier le droit de l'employeur d'exiger de l'employé une prestation de travail satisfaisante et le droit de ce dernier d'être informé de l'insatisfaction de l'employeur à son endroit et d'obtenir la chance de corriger le tir.

En somme, de ce qui précède, force est de conclure que l'employeur a le droit de congédier l'employé incompétent. En cas de contestation par l'employé, l'employeur devra cependant faire la preuve que cet employé est incompétent et démontrer qu'il a respecté les critères mentionnés ci-dessus avant de procéder au congédiement de cet employé.

Philippe Levac, CRIA, est avocat au sein du Groupe de l'emploi et du travail chez Ogilvy Renault