La majorité des détenteurs de doctorats qui s'exilent aux États-Unis après l'obtention de leur diplôme prévoient revenir travailler au Canada. Deux ans après leur collation de grade, un sur quatre est déjà de retour.

L'analyse Espérances et résultats sur le marché du travail des titulaires de doctorat des universités canadiennes de Louise Desjardins et Darren King de Statistique Canada fait aussi ressortir que ce n'est pas le salaire qui attire avant tout ces cerveaux de l'autre côté de la frontière. C'est plutôt la perspective d'y réaliser des études postdoctorales dans des centres de recherches mieux équipés.

Cinq ans après leurs doctes études, la totalité des diplômés en génie s'attendent à être de retour au Canada. Toutes disciplines confondues, la moyenne dépasse les 80%.

En recoupant ces informations à celles d'une autre enquête, les auteurs ont pu résoudre une vieille énigme statistique : pourquoi l'écart de revenus entre les détenteurs d'une maîtrise et d'un doctorat est si faible, après deux ans alors que l'effort consenti par l'individu et l'État pour former le second est bien plus grand. «On s'est rendu compte que les gens qui font un post-doctorat gagnent en moyenne 18 000$ de moins que ceux qui retournent directement sur le marché du travail» (54 000$ contre 72 000$), précise en entrevue Mme Desjardins. Le revenu médian des deux catégories de diplômés se situe pourtant à 65 000$.

Or, l'attrait d'études ou de stages postdoctoraux est grand. Environ deux diplômés sur cinq y aspirent. Ils sont surtout concentrés en sciences de la vie où l'écart de revenu est très élevé, en informatique, en mathématique et en sciences physiques. Ils choisissent un exil en Californie, au Massachussets ou dans l'État de New York.

Sans trop vouloir s'avancer, Mme Desjardins évoque la possibilité que l'écart de revenu entre maîtrise et doctorat se creuse à mesure que leurs détenteurs cheminent dans leur vie professionnelle.

Les travaux des auteurs sont basés sur les 4200 nouveaux détenteurs de doctorats canadiens de 2005, interrogés en 2007. (Les données jusqu'en 2008 indiquent que le nombre de diplômes décernés est toujours à la hausse, mais la proportion de docteurs (toutes disciplines confondues) reste inférieure à 1% de la population active.)

Les auteurs montrent que les disciplines choisies par les doctorants varient selon le sexe et le pays d'origine.

Les femmes sont de plus en plus nombreuses dans cet aréopage savant : 46% en 2005, contre 35% en 1995. Elles optent surtout pour la psychologie, les sciences sociales, l'enseignement, les sciences de la santé et les sciences humaines.

En revanche, on compte beaucoup plus d'hommes en génie, en informatique, en mathématique et en sciences physiques.

Près de la moitié des doctorats décernés en 2005 sont allés à des gens dont l'anglais est la langue maternelle, un sur cinq à des francophones. Le troisième groupe linguistique appartient aux langues chinoises avec 8% des diplômés.

Les allophones sont concentrés dans des disciplines précises : «Près des deux tiers des diplômés de génie et près de quatre diplômés sur dix en informatique, mathématiques et sciences physiques avaient une langue non officielle comme langue maternelle», écrivent les auteurs.

La grande majorité d'entre eux étaient naturalisés ou immigrants reçus en 2007.

Les auteurs font aussi ressortir que bon nombre de ces grands diplômés sont considérés comme surqualifiés, la surqualification étant «la sous-utilisation du capital humain par l'économie». Ils détiennent un emploi pour lequel leur niveau de compétences académiques n'était pas requis. C'est particulièrement vrai en génie et en éducation où la proportion atteint 40%.

L'étude révèle enfin que 7% des diplômés de 2005 chômaient en 2007. Le taux grimpe à 8% en génie et à 16% pour les docteurs en sciences humaines. Il n'était en revanche que de 3% chez les spécialistes en éducation, une sphère où on recherche généralement un doctorat alors qu'on occupe déjà un emploi.