Le Bulletin de la prospérité publié par le Conseil du patronat du Québec en août dernier a mis au jour les faiblesses de la province en création de la richesse, notamment lorsqu'il est question d'entrepreneuriat. Tout cela alors qu'on estime à près de 5000 le nombre d'entrepreneurs qui prendront leur retraite d'ici 2013.

Dans le Bulletin de la prospérité publié par le CPQ, le Québec arrive bon dernier en intensité entrepreneuriale, se classant derrière l'Alberta, la Colombie-Britannique et l'Ontario, un résultat obtenu en comparant les bassins d'entrepreneurs et le nombre d'entreprises de chaque province. Ce constat fait écho au plus récent Indice entrepreneurial québécois (IEQ) de la Fondation de l'entrepreneurship, rendu public au printemps dernier, où le Québec est comparé au reste du Canada. Là encore, la province se classe sous la moyenne canadienne, notamment lorsqu'il est question des intentions d'entreprendre (7,8% contre 14,1%), des revenus et même de la confiance en sa capacité de créer des entreprises (47,5% contre 53,6% dans le reste du Canada).

Pas la fibre entrepreneuriale, les Québécois? Plusieurs facteurs pourraient être en cause, de l'avis du président du CPQ, Yves-Thomas Dorval, mais le principal demeure notre culture entrepreneuriale: «On était un peuple de travailleurs, nous n'avons donc pas vraiment eu de modèles dans nos propres familles, croit-il. Oui, la Révolution tranquille est venue nous outiller pour être de meilleurs gestionnaires; mais il faut faire la différence entre un gestionnaire d'entreprise et un entrepreneur, où entre en ligne de compte la notion de risque, d'instinct, de développement.»

L'IEQ montre par ailleurs que si les Québécois sont moins prompts à se lancer en affaires, il n'y a pas plus de fermetures d'entreprises ici que dans le reste du Canada. «On n'a pas de complexes à avoir», soutient M. Dorval.

Maud Allard est entrepreneure. Ses modèles? Son père tenait son propre garage, sa mère était enseignante. Aujourd'hui, elle est propriétaire, entre autres, du Salon Emploi Formation.

«Mon père m'a montré que c'était possible d'avoir son entreprise. On crée des entrepreneurs par l'exemple!» juge la femme de 38 ans qui a fondé sa propre société consacrée à la réalisation de foires, salons et expositions, Expoz inc., en 2001.

Autodidacte, elle admet qu'«il faut beaucoup de résilience» pour se lancer en affaires, mais ajoute: «Le but, c'est de se réaliser et, j'ose espérer, de faire de l'argent! Mais ici, on est encore dans une culture du petit pain, l'argent n'est pas valorisé.»

Intéresser la relève

Au SAJE Montréal, un organisme d'aide et de suivi au démarrage d'entreprises qui fête cet automne son 25e anniversaire et qui aide environ 600 entrepreneurs par année à se lancer en affaires, on est loin d'être en désaccord avec les conclusions du CPQ.

«C'est tout un défi qui nous attend», commente Michel Fortin, directeur général, en citant une étude portant sur le renouvellement de l'entrepreneuriat, réalisée par le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation. Selon ses prévisions, le Québec perdra 5000 entrepreneurs d'ici 2013 en raison du départ à la retraite des baby-boomers.

«Il faut valoriser l'entrepreneuriat, arrêter d'associer les gens qui se lancent en affaire à des méchants capitalistes... Être entrepreneur, c'est un métier qui s'apprend», soutient-il, affirmant que les entreprises en démarrage qui sont suivies par l'organisme survivent après 4 ans dans une proportion de 75% à 80%, comparativement à la moyenne provinciale, qui se situe autour de 35%.

Bien s'entourer et avoir un réseau aident à la réussite, car c'est souvent le manque de ressources et la paperasse qui découragent les nouveaux venus, selon M. Dorval. «Le gouvernement se doit d'offrir un environnement d'affaires facilitant et devrait réévaluer ses priorités dans sa politique d'aide aux entreprises, en investissant dans les secteurs les plus prometteurs», suggère-t-il. Le ministre du Développement économique, Clément Gignac, est d'ailleurs à élaborer une nouvelle stratégie sur le sujet qui sera dévoilée, nous dit-on au ministère, plus tard cet automne.