Pour certains, l'expression «tomber sur le chômage» donne des frissons. Pour d'autres, cela fait un peu partie de l'emploi. La Presse a rencontré trois chômeurs occasionnels qui ont appris à composer avec la situation.

Marie-Ève Savard, 28 ans, enseignante de français au secondaire

Depuis quatre ans, Marie-Ève Savard se réjouit d'enseigner le français à l'École secondaire de la Courvilloise, qu'elle a elle-même fréquentée. Par contre, comme elle n'a pas encore de poste, l'été venu, elle doit faire sa demande d'assurance-emploi.

Cela signifie revenus inférieurs et suspension de prestations si elle sort du pays. Décourageant?

«Surtout frustrant. J'ai fait un bac de quatre ans et l'été, je dois gratter les fonds de tiroir. Mes amis qui travaillent dans d'autres domaines n'ont pas à vivre ça. Pour le moment, je n'ai pas de grosses obligations financières, mais je n'ose pas imaginer si j'avais deux enfants qui voudraient aller dans des camps de vacances et acheter de nouveaux vélos.»

Une fois la mi-août arrivée, il n'est pas certain non plus qu'elle aura un contrat.

«L'année dernière, la grippe a en quelque sorte été une bénédiction, parce que les femmes enceintes ont été retirées du travail !»

Des difficultés ne lui font toutefois pas remettre en question son choix de carrière. «En ce moment, j'ai trop de plaisir à enseigner. Ça me donne beaucoup de satisfaction.»

Elle a tout de même terminé un certificat en relations publiques à temps partiel, question d'avoir un plan B en cas de besoin.

Quand peut-elle espérer obtenir un poste d'enseignante ? «C'est difficile à dire, mais c'est clair que ce ne sera pas avant cinq ans. Il y a une baisse de clientèle et plusieurs professeurs ont eu des postes récemment et maintenant, ils sont presque tous dans la trentaine.»

Patrice Larouche, 36 ans, artiste en décor de dessins animés

Après six mois sur le chômage, Patrice Larouche vient tout juste de recommencer à travailler. Pour combien de temps ?

«Au moins huit ou 10 mois. Ensuite, je ne sais pas», indique l'artiste en décors de dessins animés.

Lorsqu'il a commencé dans le domaine, en 1998, il est devenu chômeur trois ans plus tard. C'est revenu par la suite épisodiquement, entre deux productions.

«J'essaye de ne pas stresser et de vivre au jour le jour. Je n'ai pas de famille à faire vivre, donc je m'en sors quand même bien.»

Et qu'est-ce qu'on fait lorsqu'on devient chômeur durant des mois où tout le monde travaille ?

«Je prends du temps pour moi. C'est certain que je dépense moins. Je lis beaucoup et je fais des projets personnels. Je me repose, surtout que lorsque je travaille sur une production, je peux difficilement prendre des vacances. C'est donc un break, mais un break cassé !»

Pas la déprime donc, mais pas la joie non plus ! À 36 ans, Patrice a souvent pensé changer de domaine pour avoir plus de stabilité.

«Je fais un peu de rénovation et j'ai souvent pensé démarrer une entreprise. J'aimerais aussi faire mon cours d'infirmier. Je pense que je serais bon là-dedans. Mais il faudrait que ce soit à temps partiel, parce que je ne suis pas prêt à vivre comme un étudiant à temps plein.»

Émilie Corriveau, 27 ans, recherchiste télé

La vie est belle en ce moment pour Émilie Corriveau, recherchiste pour l'émission de télévision Sucré Salé. Elle risque toutefois de l'être moins en septembre, à la fin de son contrat.

«Lorsque les émissions d'été se terminent, les équipes d'automne ont déjà commencé depuis un mois ou deux. Mon prochain contrat, à moins que je puisse faire un remplacement, sera donc probablement en novembre, pour la saison d'hiver. Entre les deux, je serai chômeuse.»

Stressant? «Surtout les premières années, parce que j'avais peur. Je me retrouvais souvent à accepter deux jobs en même temps, en commençant un contrat de soir chez moi. Maintenant, j'ai plus d'expérience, plus de contacts et de références, donc je m'inquiète moins.»

En même temps, comme les vacances sont rares dans le monde de la production télévisuelle, le chômage est une pause obligée pour Émilie Corriveau.

«Mais je déteste vivre aux crochets de l'État, donc dès que je peux avoir un petit contrat de rédaction ou de relations publiques, je le prends en attendant.»

Cette instabilité devient-elle lassante ?

«Oui et non. On m'a proposé de travailler toujours sur la même émission et j'ai refusé parce que je m'en lasserais»

Toutefois, elle se questionne lorsqu'elle regarde les recherchistes plus âgées. «Elles vivent toujours dans la précarité et sont souvent traitées comme des vieux qui n'apportent pas de nouveauté. Est-ce que ça me tentera à 55 ans ? Je ne sais pas. Bien des recherchistes deviennent aussi producteurs, directeurs de production ou réalisateurs.»