Fini l'époque où les employés acceptaient de rester plus longtemps au bureau sans être payés davantage. Les heures supplémentaires non payées, un phénomène longtemps passé sous silence au Canada, sortent de l'ombre grâce à une poignée de poursuites judiciaires. Et les entreprises commencent à réagir.

Un sondage publié hier par le Conference Board du Canada montre à quel point les mentalités changent lorsqu'il s'agit de donner des heures gratuitement au patron. Un coup de sonde mené auprès de grandes entreprises canadiennes indique que seulement 9% d'entre elles jugent que les heures supplémentaires sont actuellement une «préoccupation critique» au sein de leur société.

 

Mais les entreprises voient venir la tempête. Pas moins de 90% d'entre elles prédisent que les heures supplémentaires non payées deviendront une préoccupation au sein de leur organisation au cours des prochaines années.

«C'est un problème qui vient tout juste d'apparaître sur le radar au Canada», constate Michael Bloom, vice-président, efficacité organisationnelle et apprentissage, au Conference Board, qui avoue avoir été surpris par l'ampleur des préoccupations.

«Neuf entreprises sur 10, c'est vraiment beaucoup», souligne-t-il.

Si les heures supplémentaires non payées préoccupent tant les entreprises, c'est parce qu'elles se sont retrouvées au centre d'une série de poursuites judiciaires depuis deux ans.

L'an dernier, la firme comptable KPMG a accepté de verser une somme estimée à 10 millions de dollars pour que certains employés canadiens laissent tomber une poursuite à ce sujet.

Cet été, la Cour supérieure de l'Ontario a refusé d'autoriser un recours collectif de 600 millions de dollars intenté contre la banque CIBC par des employés mécontents d'avoir fait des heures supplémentaires gratuitement. La décision vient toutefois d'être portée en appel.

Emmanuelle Rolland, avocate chez Borden Ladner Gervais, répertorie trois autres recours collectifs du même ordre au pays, soit les cas de E. Care Contact, de la Banque Scotia et du CN. Pour elle, l'influence américaine est claire.

«Aux États-Unis, ce type de recours existe depuis plusieurs années, dit-elle. Il s'agit d'une véritable épidémie: des milliers d'employeurs en sont la cible.»

Selon Statistique Canada, les Canadiens sont davantage susceptibles de faire des heures supplémentaires non payées (11,4%) que payées (10,1%).

Au Québec, la Loi sur les normes du travail stipule que la semaine de 40 heures ne s'applique pas aux cadres, qui n'ont donc pas droit au paiement de leurs heures supplémentaires. Selon le Conference Board, une partie du problème vient justement des entreprises qui définissent mal quels employés sont admissibles aux heures supplémentaires. Ménage et clarifications sont en cours à plusieurs endroits.

«Les entreprises mettent beaucoup d'efforts actuellement à réviser leur politique relative aux heures supplémentaires et à la redéfinir», dit Michael Bloom, du Conference Board.