Depuis des années, on dit que les infirmières travaillent trop, ont des horaires de fou et sont forcées de faire des heures supplémentaires.

Dernièrement, l'économiste Mathieu Laberge, du groupe de recherche CIRANO, démontrait que les infirmières québécoises travaillaient moins que leurs collègues des autres provinces et que la pénurie est moins sévère qu'on ne le croit. Est-ce si terrible de faire carrière dans la santé? Peut-on espérer vivre une vie équilibrée? Tout dépend du point de vue.

 

D'abord, il y a la question du travail de fin de semaine. «Ça a toujours existé et ça existera toujours. On ne peut quand même pas mettre les malades dehors le vendredi soir. Mais, c'est certain que ça a des répercussions sur la vie familiale», indique d'emblée Lina Bonamie, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ).

À l'exception des infirmières embauchées par des agences, chacune travaille une fin de semaine sur deux et ce, qu'on ait 6 mois ou 30 ans d'ancienneté. Est-ce si difficile à gérer pour les travailleurs?

«C'est difficile, mais ça fait partie de la profession et on n'est pas les seuls. Ce que je trouve plus difficile, c'est, qu'au fil des ans, les cas sont devenus plus lourds et le ratio de patients a beaucoup augmenté», affirme Linda, infirmière auxiliaire depuis une trentaine d'années.

«C'est certain que, maintenant, les patients hospitalisés sont beaucoup plus poqués qu'avant. Ceux qui sont mieux, on les maintient à domicile. La charge de travail est donc plus lourde et le personnel est plus fatigué, alors la coupure entre le travail et la maison est souvent plus difficile à faire», affirme Mme Bonamie.

Heures supplémentaires

Pour de jeunes parents, les horaires du milieu de la santé peuvent aussi être problématiques puisque, souvent, ils ne concordent pas avec les heures d'ouverture des garderies. Même pour un travailleur qui a un poste de jour, c'est compliqué.

Par exemple, Linda commence sa journée à 7h et la termine à 15h. «Essayez de trouver une garderie ouverte à 6h!», s'exclame-t-elle.

Le plus difficile semble toutefois être les heures supplémentaires imposées. «Une infirmière ne peut pas quitter le travail si une autre ne vient pas prendre la relève et que ça venait mettre la situation des patients en péril. Il arrive donc qu'après un 8h de travail une infirmière soit forcée de rester un autre 8h», indique Mme Bonamie, en précisant toutefois que les mères ou les pères monoparentaux sont exemptés s'ils doivent aller chercher leur enfant à la garderie.

Avec la pénurie de personnel et l'épuisement des travailleurs du milieu de la santé, il est évident que ces cas qui devraient être exceptionnels sont plus fréquents.

«Disons que ça complique les choses. Il n'y a pas juste le travail dans la vie», ajoute la présidente de la FIQ

Améliorer la situation

«Le problème, c'est que chaque année, on accueille 2800 nouvelles infirmières, mais on en perd 3200 qui partent à la retraite. Et jusqu'à maintenant, on ne voit rien qui se fait pour retenir ces personnes», affirme Mme Bonamie.

En juin dernier, Philippe Couillard, alors ministre de la Santé et des Services sociaux, annonçait la mise en place de mesures pour augmenter l'attraction et la rétention du personnel infirmier tout en réduisant le recours à la main-d'oeuvre indépendante et aux heures supplémentaires.

«Nous nous sommes engagés à donner plus de permanence, nous travaillons aussi à implanter le mentorat pour retenir les plus expérimentées et aider les plus jeunes à s'intégrer. Nous avons aussi alloué des budgets pour l'achat de petit équipement pour faciliter la tâche des infirmières. Nous croyons que malgré la pénurie, les établissements peuvent améliorer les conditions des infirmières en améliorant l'organisation du travail», explique Marie-Ève Bédard, attachée de presse du ministre de la Santé et des Services sociaux, Yves Bolduc.

«Le gouvernement a beau lancer de grandes politiques, pour qu'un changement réel s'opère, les directions d'établissement doivent s'asseoir avec leurs employés pour discuter des problèmes et tenter de les régler», croit Mme Bonamie.

«C'est vraiment en améliorant les conditions de travail qu'on arrivera à attirer et à retenir le personnel. Parce qu'il faut bien comprendre que ce sont les relations humaines que nous développons avec les patients qui sont riches et stimulantes dans notre métier. Malheureusement, avec les conditions actuelles, on doit travailler comme des robots et on n'a plus le temps pour ça», déplore Linda.

QUIZ

Êtes-vous bien équipé pour faire carrière en santé?

1. Avez-vous la capacité de décrocher du travail rapidement même après des journées épuisantes et stressantes ?

2. Êtes-vous capable de bien supporter les imprévus ?

3. Avez-vous quelqu'un pour s'occuper de vos enfants lorsque vous travaillez et que votre garderie est fermée ?

4. Avez-vous un conjoint compréhensif capable de s'accommoder de vos horaires ?

5. Avez-vous une famille élargie compréhensive qui prendra la peine de vous demander votre horaire avant d'organiser des fêtes de famille?