Démissionner est un art et il n'y a pas 36 façons de le pratiquer. Il y a la mauvaise et l'autre, la bonne, celle qui consiste à réfléchir avant d'aller «relever de nouveaux défis».

Commençons par la mauvaise.

Votre lettre de démission est écrite, vous connaissez vos droits et entendez bien les faire valoir. Votre décision est formelle et irrévocable. L'heure est venue d'annoncer votre départ, avec préavis, à votre employeur actuel. Et comme, à vos yeux, c'est le dernier des troglodytes, vos mots seront brûlants et tranchants. Vous vous régalez déjà à l'idée que les raisons de votre départ seront entendues par vos collègues. Elles resteront à jamais gravées dans leur mémoire, puisque votre intention est de les écorcher au passage.

 

Bref, vous avez décidé de vous payer un esclandre grand format assorti de dommages collatéraux. Ce n'est pas une bonne idée. Celles et ceux qui l'ont essayé vous le confirmeront.

Claquer la porte, en affirmant au patron qu'il a l'air d'un bouffon, ne vous mènera nulle part. Vous pourriez le regretter amèrement. Votre crise en apprendra plus à vos collègues sur vous que sur leur patron. Et comme le monde est petit, quel que soit votre secteur d'activités, tôt ou tard, vous croiserez un ex-collègue à qui votre départ à la Rambo aura laissé un souvenir désagréable et, malheureusement pour vous, impérissable.

Pour Alain Samson, MBA, auteur de 64 livres sur différents aspects du management, il est souvent plus avantageux de donner une dernière chance à votre emploi que de le quitter. À moins que votre environnement de travail soit à ce point toxique qu'il en va de votre santé mentale et que la fuite constitue le seul remède.

À la question Devrais-je démissionner?, le titre du petit ouvrage de 90 pages qu'il consacre à cette question, Alain Samson apporte trois réponses. On peut avoir de bonnes raisons de quitter son emploi - et le faire - mais on peut aussi le revitaliser pour raviver la passion.

Cela vaut-il la peine de changer d'employeur pour remplacer un problème par un autre? Parfois, il est préférable de garder son emploi pendant un certain temps, autrement dit «végéter positivement» en tentant d'y trouver un minimum de satisfaction.

De ce dernier choix, il donne l'exemple suivant: «Paul quittera son emploi quand, dans un an et demi, son enfant aura terminé ses études.

Le simple fait de fixer aujourd'hui la date de sa démission aura pour effet de rendre son emploi davantage supportable. C'est un peu le même phénomène pour le couple qui ne va nulle part. À partir du moment où la décision formelle de se séparer dans un mois est prise, le temps paraît moins long».

Le but de la réflexion proposée par l'auteur, que vous décidiez de quitter ou de conserver votre job, est que vous en sortiez gagnant tout en reprenant la maîtrise de votre vie.

Une nouvelle chance

L'alternatives à la démission réside dans la revitalisation. On se livre à une reconstruction de l'emploi dans le but d'éliminer les incidents de parcours qui le rendent moins intéressant. «Cela équivaut, dit Alain Samson, à donner à votre emploi une seconde chance.»

Pour ce faire, il propose divers moyens. À partir de la mission de l'entreprise, on se fixe des objectifs personnels pouvant être atteints par une gestion efficace du travail, pour éventuellement en discuter avec le patron. Et dans l'éventualité où la démission est le seul geste à poser, vaut-il mieux le faire par écrit ou de vive voix?

Une lettre a quelque chose de définitif, soutient Alain Samson.

«Une discussion franche peut permettre de rapiécer ce qui peut l'être. Il est d'ailleurs à espérer que quelqu'un qui démissionne à cause d'un irritant digne de ce nom a, au préalable, fait ce qu'il est nécessaire, y compris en parler à son supérieur pour aplanir cet irritant.»

Le spécialiste insiste sur l'importance de garder pour soi les commentaires négatifs qui transformeraient une démission en règlement de comptes.

Il termine en prévenant que «rien ne vous dit, à l'heure de la mondialisation, des fusions et des acquisitions, que votre patron d'hier ne redeviendra pas celui d'aujourd'hui.»