« C'est vraiment une compagnie bizarre avec une gamme de produits bizarres, mais tous utiles. » Voici comment le président des magasins Lee Valley, Robin Lee, décrit son entreprise en nous faisant découvrir son premier magasin au Québec. On pourrait aussi dire que c'est le paradis des patenteux, des curieux, des jardiniers, des cuisiniers, des menuisiers et des ingénieux. Visite guidée d'un concept singulier.

C'est aujourd'hui que Lee Valley commence son expansion sur le sol québécois avec l'ouverture d'un magasin au Centre Laval qui aura coûté 2,5 millions. L'entreprise familiale d'Ottawa ne cache pas qu'elle souhaite ensuite s'établir sur la Rive-Sud, où elle hésite entre le Quartier DIX30 et le boulevard Taschereau, et dans la région de Québec. Le détaillant, qui réalise 50 % de son chiffre d'affaires en ligne, veut ensuite faire le saut aux États-Unis, a confié à La Presse Robin Lee.

Le dirigeant admet, dans un français impeccable et avec humilité, que son entreprise n'est « pas si bonne » pour vendre des choses dans des magasins. « On a tout misé sur le catalogue pendant 30 ans. C'était correct d'avoir tes rangées de tablettes, mais là, il faut passer à autre chose et offrir une expérience aux consommateurs. On est donc en train de s'inventer un style de magasin. C'est excitant ! On fait des erreurs, mais on s'améliore de magasin en magasin. »

Des îlots pour explorer

À Laval, le plus grand Lee Valley du Canada (et le 20e) fait à la fois penser à IKEA, à Décathlon et aux Distribution aux consommateurs d'antan. On y navigue d'îlot en îlot pour découvrir les produits, pour la plupart uniques. Ceux-ci sont souvent fabriqués au Canada dans la propre usine de l'entreprise intégrée verticalement et détenant 150 brevets. Fait moins connu : ses outils de grande qualité sont vendus dans plus de 100 pays, notamment en Australie et en Chine.

Pour encourager les clients à tester les produits, ceux-ci sont pour la plupart déballés. C'est le cas de la cire d'abeille pour polir le bois, qui est présentée avec de petits morceaux de bois, de papier sablé et de tissus. Une fois l'expérimentation effectuée, on note le numéro du produit voulu et on se dirige vers un comptoir où des employés se chargent d'aller le récupérer dans l'entrepôt. Un autre îlot permet d'apprendre comment fabriquer soi-même un stylo de bois. Voilà le genre de projet qui plaît aux millénaux pressés, mais qui souhaitent fabriquer des choses, note Robin Lee.

En tout, Lee Valley vend 20 000 produits, dont 10 000 sont visibles en magasin. Les autres sont quand même offerts sur place, et des ordinateurs permettent de consulter le catalogue, dont la qualité du français ne cesse d'épater. La francisation a coûté « des millions de dollars » au fil des ans.

Au fond du magasin, une salle a été aménagée pour donner des cours. Lee Valley en donnera 400 par année, aux adultes et aux enfants. Les amateurs d'histoire et d'outils peuvent observer des rabots anciens, regroupés dans un mini-musée. Certains datent du milieu des années 1800. L'entreprise, qui possède 100 000 outils anciens, a d'ailleurs acquis une vieille quincaillerie dans la région d'Ottawa pour en faire un musée.

Imiter les musées

L'aménagement du magasin s'inspire d'ailleurs des musées, note Robin Lee. Car à l'ère du magasinage facile en ligne, il faut être plus engageant que jamais pour attirer la clientèle.

« Il y a 20 ans, dans les musées, on ne touchait à rien et maintenant, on explore, on apprend de toutes sortes de manières. Les magasins doivent proposer une expérience. Pour moi, ce sont des espaces sociaux. Notre clientèle est engagée. Elle aime parler de ce qu'elle fabrique, et montrer des photos à nos employés qui savent à quel point leur projet a été difficile à faire. » À Laval, 32 personnes aux compétences « différentes » ont été embauchées, mais elles ont en commun d'aimer le travail manuel. Le recrutement, en ces temps de pénurie, n'a pas été facile, surtout que l'entreprise est pratiquement inconnue dans la province.

S'adapter au Québec

Lee Valley se fait un point d'honneur de ne vendre que des produits utiles et de qualité, même si cela se traduit parfois par des prix plus élevés. « Le prix, ça fait mal juste une fois. Après, le bien dure pour toujours », fait valoir Robin Lee, qui peut vous parler pendant 10 minutes de la façon dont il fabrique ses scies si durables que vous pourriez les mettre dans votre testament. « Chaque produit doit avoir une histoire et être utilisé. Je ne veux pas que les gens regrettent leur achat. Chaque produit met notre réputation et notre proposition de valeur en jeu. On a une philosophie. On ne vend pas de tout, mais on aime chaque produit qu'on vend. »

Pour éviter de refaire les erreurs d'autres entreprises qui ont mal cerné les particularités du marché québécois, Lee Valley a embauché des experts pour l'aider à percer le marché. « Il faut être ouvert à la différence. On sait qu'on est des bébés, alors on doit utiliser nos oreilles et nos yeux pour s'adapter. »