Le restaurant Chez Henri, véritable institution à Joliette, doit réduire ses heures d'ouverture. Après avoir assuré un service 24 heures à ses clients pendant 44 ans, l'établissement doit désormais fermer la nuit en raison d'un manque de main-d'oeuvre.

Ouvert en 1958, le restaurant fondé par Henri Majeau ravit toujours autant sa clientèle. L'hiver, les patineurs, qui profitent de la rivière toute proche, viennent avec joie s'y restaurer sans devoir enlever leurs patins.

C'est à cause de sa trop grande popularité que les propriétaires de l'époque avaient choisi de ne jamais fermer. Le petit-fils du fondateur, Martin Majeau, qui a repris le flambeau il y a plus de 10 ans, est catégorique. « Ce n'est pas une question de rentabilité, loin de là, dit-il en entrevue avec La Presse. Nos employés réguliers - certains travaillent pour l'entreprise familiale depuis 40 ans - sont tout simplement épuisés. Si la réussite du restaurant est là, c'est grâce à notre personnel. »

La nouvelle a été publiée dans le journal local L'Action. Au retour des vacances de la construction, le 6 août, le restaurant fermera à 23 h du dimanche au jeudi et à 1 h le vendredi et le samedi. Martin Majeau affirme avoir réfléchi pendant neuf mois avant de prendre cette déchirante décision. Il sait qu'il décevra les clients qui fréquentent l'établissement la nuit, comme les ambulanciers, les policiers, les infirmières, les chauffeurs de taxi et les déneigeurs.

« On a toujours été privilégié côté employés. On n'avait même pas besoin d'afficher les postes dans les journaux tellement on avait de demandes d'emploi. Mais depuis deux ans, c'est plus difficile et cette année, c'est le chaos », explique Martin Majeau.

La rétention de la main-d'oeuvre est un défi. Martin Majeau affirme que les jeunes employés démissionnent dès qu'ils ont une activité de prévue ou ne se présentent simplement pas au travail, sans l'avertir. Ce qui exerce de la pression sur les autres employés, qui doivent faire des heures supplémentaires. La réduction des heures d'ouverture permettra au restaurant de fonctionner avec 90 employés plutôt que 105.

Le propriétaire de 48 ans ajoute que les coups durs vécus par sa famille au cours des dernières années ont pesé dans sa décision. Car Chez Henri, c'est avant tout une histoire de famille. Actuellement, sa mère âgée de 79 ans et ses deux frères jumeaux travaillent fort pour continuer l'oeuvre du grand-père Henri.

« C'est une délivrance pour ma famille. Ça va recharger nos batteries, permettre de faire quelques réparations, de préparer aussi la venue de mon deuxième enfant et de m'occuper de mon fils Henri, le troisième de la famille », précise-t-il.

M. Majeau se console en se disant qu'il n'est pas le seul restaurateur à souffrir de la grave pénurie de main-d'oeuvre qui frappe l'industrie. Une étude du Conseil québécois des ressources humaines en tourisme rapporte que 70 % des restaurateurs disent sentir les effets de la rareté de la main-d'oeuvre. Le Conseil estime que 8720 postes seront vacants en restauration en 2020, et 18 943 en 2035.