Alors qu'elle demande à Ottawa de décupler la valeur des ventes en ligne qui sont exemptes de droits et taxes, l'administration Trump se porte à la défense des commerçants traditionnels américains contre ce qu'elle perçoit comme une concurrence déloyale des géants du web.

Dans un avis déposé lundi dans le cadre d'une cause qui oppose le Dakota du Sud au détaillant en ligne Wayfair, le solliciteur général Noel Francisco demande à la Cour suprême d'autoriser les États américains à percevoir la taxe de vente auprès des entreprises qui font du commerce électronique sur leur territoire.

Permettre aux détaillants en ligne d'éviter les taxes de vente « désavantage les commerçants [traditionnels] et encourage les citoyens à faire leurs achats ailleurs », écrit M. Francisco, qui est la voix de l'administration Trump devant la Cour suprême.

Pourtant, dans le cadre de la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), Washington demande aussi que les consommateurs canadiens et mexicains profitent d'une exemption de 800 $US sur leurs achats en ligne, contre 20 $US actuellement.

« Si elle est accordée, cette exemption empêchera entièrement un détaillant comme Simons de faire concurrence à des géants américains ou étrangers tels qu'Alibaba, car la grande majorité des biens achetés en ligne par les Canadiens pourront entrer à la frontière libres de tout droit de douane et de taxes de vente », explique Marwah Rizqy, codirectrice du programme de maîtrise en fiscalité de l'Université de Sherbrooke.

« C'est clair que dans ce dossier, l'administration Trump plaide un peu des deux côtés de la bouche », estime-t-elle.

Une telle exemption rendra aussi caduc le projet de loi étudié à l'Assemblée nationale en vue d'imposer les taxes de vente, tant sur les ventes en ligne que sur les biens intangibles comme un abonnement à Netflix, ajoute Mme Rizqy.

COUR SUPRÊME

En avril prochain, la Cour suprême des États-Unis entendra la cause qui oppose le Dakota du Sud aux détaillants Wayfair, Overstock et Newegg au sujet de la perception des taxes à la consommation. Trente-cinq États américains ont appuyé le Dakota du Sud dans ses démarches pour taxer les détaillants qui n'ont pas de présence physique sur son territoire. Une décision est attendue en juin.

Depuis 1992, en raison d'une décision de la Cour suprême, « les États américains ne peuvent pas taxer les entreprises lorsqu'elles n'ont pas de présence physique sur leur territoire », rappelle Mme Rizqy.

« Le jugement de la Cour suprême aura certainement un impact au Canada sur le même débat, soit celui sur la notion de présence physique. Il sera notamment intéressant de voir le raisonnement des juges sur le commerce numérique aujourd'hui et le pouvoir de taxation des juridictions », dit-elle.

13 milliards Selon une estimation du Congrès, les États américains auraient pu percevoir 13 milliards US en taxes de vente auprès des marchands en ligne en 2017.

En janvier, un reportage paru dans La Presse relatait que le gouvernement canadien n'a, pour sa part, aucune idée du montant des taxes qui lui échappent aux mains des sites étrangers. Au Québec seulement, les ventes en ligne représentent 8,5 milliards de dollars par année, selon une récente étude du CEFRIO, et sont en hausse constante. Revenu Québec estime son manque à gagner en raison du commerce électronique à 177 millions de dollars par an.

Des gens d'affaires comme Peter Simons, Christiane Germain et Eric Boyko ont pris la parole dans les derniers mois pour dénoncer ce qu'ils considèrent comme une concurrence déloyale de la part des commerçants en ligne.

- Avec Bloomberg