À l'occasion de l'inauguration imminente de son nouveau magasin des Galeries de la Capitale, à Québec, Peter Simons a répondu à nos questions avec la passion et la verve qu'on lui connaît. Une conversation qui a porté sur la productivité, les banques qui ne veulent pas financer son futur centre de distribution, une possible entrée en Bourse, la justice fiscale, Netflix et l'importance de sauver...la presse écrite.

Qu'est-ce qui caractérise votre magasin des Galeries de la Capitale ?

Il se distingue surtout par son aspect environnemental. Son empreinte carbone sera nulle. On est très excités par ça, car c'est un long processus. Et le design est unique, comme dans chacun de nos magasins. Il y a aussi une oeuvre de l'artiste Giorgia Volpe qui s'appelle La cime. La navigation est plus linéaire, plus cartésienne qu'à Place Ste-Foy, je pense que les gens vont aimer ça ! C'est un rectangle, c'est plus simple, les gens vont s'orienter plus facilement. [...] On est très préoccupés par la productivité du magasin. On n'a pas le choix. Non seulement il faut gagner notre vie, mais il faut aussi payer les employés, toutes les routes, les taxes foncières. Pour qu'un magasin survive, il faut être très conscient de son efficacité sans nuire à l'interaction avec les humains. Car en ligne, l'assortiment est le même. Si quelqu'un vient en magasin, c'est pour le contact humain. Il n'y a pas vraiment d'autres raisons.

Quel sera votre priorité cette année ?

Présentement, on est très focalisés sur notre [futur] centre de distribution. On veut réaliser ce projet pour bien desservir les magasins et le web. C'est un centre ultra-robotisé qu'on a sur la planche à dessin. On veut réunir tous les acteurs et les conditions. C'est un beau projet, mais il faut avoir les moyens de le réaliser. Et je pense qu'on a besoin de le réaliser pour rester compétitifs. Donc, c'est vraiment ma priorité.

Si je comprends bien, le financement n'est pas encore ficelé...

Non.

Est-ce que les banques traditionnelles sont frileuses ? Serez-vous obligé de vous tourner vers d'autres sources de financement ?

Ça fait 150 ans ou plus que je suis avec la Banque de Montréal. Je suis leur plus ancien client au Canada. Je ne veux pas les critiquer. On était avec la Banque de Montréal et la Banque Nationale et ils étaient d'un énorme support. Mais c'est sûr qu'ils ne seront pas capables de nous suivre dans ce projet-là parce que c'est trop de risques pour eux autres. C'est too much. Donc oui, ça demande d'autres acteurs.

On lit parfois que vous êtes ouvert à une entrée de Simons en Bourse. On lit parfois l'inverse. Quelle est votre position, aujourd'hui, sur ce sujet ?

Aujourd'hui, ma position c'est que notre centre de distribution robotisé est nécessaire pour que l'entreprise avance. Peu importe ce que je veux, ce qui importe, c'est de quoi l'entreprise a besoin. Donc, présentement, je suis ouvert à tout par nécessité, car j'ai devant moi un projet essentiel pour l'avenir de la Maison. Et je n'ai pas les moyens de le réaliser. Alors j'essaie de trouver quelqu'un qui pourra participer. Je suis ouvert à toutes sortes d'options.

Où en est le projet d'agrandissement aux Promenades St-Bruno ?

Il y a eu beaucoup de changements du côté du propriétaire [Cadillac Fairview]. Le Sears est fermé. J'avoue que c'est un peu en l'air. J'attends un peu de clarté de tout le monde pour voir où on s'en va.

Allez-vous poursuivre votre lutte pour la justice fiscale ?

Ce n'est pas clos, car c'est une affaire de société. Mon impression, c'est que publiquement, il y a une conversation qui est devenue plus claire et lucide. Politiquement, je ne suis pas sûr qu'il y ait de la motivation, ni au fédéral ni au provincial. [...] J'aurais aimé voir Québec prendre le leadership. Malheureusement, il y a deux ou trois ans, quand les discussions ont commencé, on ne voulait rien savoir. Alors encore une fois, le leadership vient de la Californie, de Silicon Valley. J'imagine que quand ils vont décider quelque chose, on va suivre. Ça me fait de la peine qu'on ne soit pas capables de réaliser ce qui s'en vient. [...] Je suis allé à Ottawa il y a un an et j'ai eu droit à quatre minutes. À quatre minutes et une seconde, ils m'ont coupé. [...] Netflix, qui n'a aucun employé au Canada, a eu droit à plus de considération du fédéral que moi. C'est la vérité. Ils ont un contrat fiscal one-on-one spécial avec Ottawa. C'est quoi, la logique ? [...] La révolution qui s'en vient, ce n'est pas juste pour les journalistes et les détaillants.

Qu'est-ce qui s'en vient ?

On est rendus au point qu'il faut, comme citoyen, que je subventionne les journalistes de la presse [écrite], sinon on va perdre le journalisme. Et j'y crois, au journalisme. Mais pendant que je fais ça, il y a des portails comme Facebook et Google qui utilisent votre travail et vous ne serez pas du tout rémunérés. Pour vous garder en vie - et il faut des journalistes pour protéger la démocratie -, il faut que je paie des taxes, pendant qu'un autre exploite votre travail gratuitement. [...] C'est grave là ! Quand le journalisme disparaît, tu ne t'en plains pas le lendemain. Le problème, c'est quand l'État ou le système judiciaire abuse de toi et que tu as besoin de journalistes pour te protéger. Ce sont des garde-fous. Les journalistes jouent un rôle ultra-important. [...] En même temps, je réalise que je suis hypocrite, car pour faire croître le web, j'ai enlevé mon argent, mes publicités de La Presse et du Soleil. Dans ma tête, je n'avais pas le choix. Je ne peux pas chialer si je ne vous soutiens pas comme institution.