Metro s'est potentiellement trouvé un ami chez Groupe Jean Coutu, l'épicier ayant confirmé mercredi des «discussions exclusives» visant à avaler la chaîne de pharmacies. Les actionnaires de Metro semblent ravis de l'annonce et l'action avait bondi de 9% à la clôture.

Déjà la plus importante chaîne d'alimentation au Québec, Metro - propriétaire de l'enseigne Brunet - exploiterait également le deuxième réseau de pharmacies en importance de la province si ce mariage devait se confirmer.

«Rien ne garantit que quelque transaction visant à mettre en oeuvre le regroupement sera conclue et que les conditions éventuelles à laquelle elle serait sujette seront remplies», ont prévenu les deux entreprises, dans un bref communiqué, refusant de commenter davantage.

Plus tôt, la suspension temporaire des négociations sur le titre des deux entreprises avait alimenté les rumeurs à l'égard de ces deux fleurons du Québec inc., qui, ensemble, génèrent un chiffre d'affaires annuel d'environ 16 milliards.

La famille Coutu compte soutenir la transaction proposée. Metro offrirait 24,50 $ pour chaque action de Jean Coutu. 75 % du paiement s'effectuerait en espèces et le reste en actions de l'épicier.

«Même si le prix paraît élevé, Metro a toujours fait preuve de prudence dans ses investissements et d'efficacité dans sa gestion, a estimé Irene Nattel, de RBC Marchés des capitaux. Nous estimons qu'un regroupement serait bénéfique pour les actionnaires.»

Dans une note envoyée à ses clients, l'analyste estime que l'offre attribue une valeur de 4,3 milliards $ à Jean Coutu.

Vers 15 h 30, à la Bourse de Toronto, l'action de Metro prenait 8,93 %, ou 3,58 $, pour se négocier à 43,67 $. Le titre de Jean Coutu grimpait de 6,41 %, ou 1,48 $, à 24,57 $.

Consolidation

Ce rapprochement des deux fleurons québécois survient dans la foulée d'une consolidation dans le secteur canadien de la pharmacie.

En 2013, les Compagnies Loblaw avaient annoncé une entente visant à acquérir la chaîne Shoppers Drug Mart - Pharmaprix au Québec - pour 12,4 milliards $. En avril dernier, c'était au tour de McKesson Canada d'avaler le Groupe Uniprix et ses 330 pharmacies.

Les détaillants font face à une concurrence croissante des grandes chaînes américaines comme Walmart et Costco - qui abritent des pharmacies dans leurs magasins - ainsi que du géant Amazon, qui a effectué une percée dans l'alimentation avec l'achat de Whole Foods.

«C'est un mariage qui se trame depuis environ trois ou quatre ans, a expliqué le professeur émérite au Département de marketing du HEC Montréal Jacques Nantel. Cela s'est accéléré quand Metro n'a pu acheter Safeway (en 2013.)»

Même si Metro parvenait à consolider son empreinte au Québec grâce à ce regroupement, l'entreprise ne percerait pas de nouveaux marchés, souligne-t-il. Ainsi, à son avis, peut-être qu'il ne s'agit pas de la transaction que l'entreprise «souhaitait nécessairement faire».

Même s'il s'agit d'une plus grosse bouchée qu'Adonis ou Première Moisson pour Metro, l'experte en détail associée chez Richter, Marie-Claude Frigon, croit que Jean Coutu profitera à l'épicier.

«C'est une acquisition à l'extérieur du secteur de l'alimentation, a-t-elle dit. Cela ouvre de nombreuses portes. L'entreprise ne se limite pas à son propre secteur.»

Prudence

Dans les couloirs de l'Assemblée nationale, les ministres du gouvernement Couillard ont fait preuve de prudence dans leurs commentaires étant donné que la transaction n'était pas encore confirmée.

La ministre de l'Économie, Dominique Anglade, a estimé qu'un regroupement des deux entreprises s'inscrirait dans la consolidation observée au cours des dernières années. Elle ne s'est pas inquiétée outre mesure du fait que Metro ne possède pas d'actionnaire de contrôle.

«Il s'agit de deux fleurons québécois qui deviendraient plus forts, a-t-elle dit. La consolidation, on la voit partout.»

Pour sa part, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a estimé que ses réformes et ses relations tendues avec les pharmaciens n'avaient rien à voir avec les discussions entre Metro et Jean Coutu.

«Les décisions d'affaires, normalement, se prennent sur des principes d'affaires, a-t-il dit. Je ne connais pas un homme d'affaires qui prend une décision de vendre ou d'acheter avec des émotions.»

En juillet dernier, lors de l'assemblée annuelle de Jean Coutu, son fondateur, Jean Coutu, avait affirmé que les négociations des dernières années le milieu de la pharmacie et le gouvernement Couillard lui avaient laissé un «goût amer».

L'homme d'affaires de 90 ans avait notamment reproché à M. Barrette d'avoir voulu récupérer quelque 300 millions $ sur le dos des pharmaciens propriétaires en négociant sur leur rémunération.

Les pharmacies au Québec:

• Groupe Jean Coutu: 382

• Familiprix: 358

• Uniprix (propriété de McKesson Canada): 330

• Proxim (McKesson Canada): 250

• Brunet (Metro): 200

• Pharmaprix: 172