Les pharmaciens d'Uniprix sont loin de déborder d'enthousiasme devant l'offre d'achat du géant McKesson qui leur a été présentée mercredi. Certains ont la désagréable impression de devoir choisir le moins pire de deux maux. Et aucun ne veut s'aventurer à prédire l'issue du vote.

Les pharmaciens à qui nous avons parlé jeudi nous ont tous dit la même chose : ils devront réfléchir longuement à l'offre de McKesson. Car ce qu'il y a sur la table n'est pas fantastique. Mais dans le contexte financier actuel, c'est peut-être la meilleure option.

« Le montant est intéressant, mais on pensait que ça valait plus. Avec tout ce qui se passe dans la pharmacie, on se dit : "Si on ne va pas là [chez McKesson], est-ce qu'on va frapper un mur à un moment donné ? Finalement, [vaut-il mieux] se dépêcher de sortir avant de brûler ?" C'est dur à dire », rapporte un jeune pharmacien ayant requis l'anonymat pour s'exprimer librement, à l'instar de ses confrères.

Chose certaine, McKesson n'a pas déposé le genre d'offre mirobolante qu'on accepte sans réfléchir. « C'est loin d'être ça ! Ce n'est vraiment pas ça... [...] Non, ce n'est pas merveilleux, car la situation dans les pharmacies n'est pas merveilleuse. Ce qui serait merveilleux, c'est que notre compagnie soit viable comme elle est là. La situation n'est pas facile. »

Bref, on ressent beaucoup de déchirements, d'inquiétude aussi. Au point où personne n'ose dire si Uniprix sera vendue ou pas.

CONTRAT DE 10 ANS

Mercredi, environ 130 pharmaciens propriétaires ont passé tout leur après-midi dans un hôtel de Drummondville pour se faire expliquer l'offre de McKesson et poser des questions.

Le président d'Uniprix, Philippe Duval, leur a recommandé d'accepter l'offre dont le montant n'a pas été dévoilé. « Il nous a dit que les finances sont moins bonnes qu'il y a un an ou deux et qu'on a de moins en moins d'argent dans les poches », rapporte l'un de ceux qui étaient présents.

Une clause qui lierait les pharmaciens à l'enseigne Uniprix pendant 10 ans au lendemain de la transaction (peu importe leur contrat actuel) en irrite certains.

« C'est long, car on ne sait pas du tout comment ça va se passer sous le règne McKesson. On n'a aucune idée. S'ils changent d'idée et veulent changer les façons de faire, rien ne les empêchera. »

- Un pharmacien

Pour les plus âgés qui se préparent à la retraite, cette clause est particulièrement contraignante. Mais « dans les Uniprix, 70 % des pharmaciens ont en bas de 40 ans. On ne sait pas ce qu'ils vont faire », raconte un pharmacien en fin de carrière.

McKesson n'a pas rappelé La Presse au sujet de cette clause en particulier.

LE MOINS PIRE DES MAUX

Les pharmaciens sont bien conscients que leur commerce vaut moins depuis l'entrée en vigueur des diverses mesures du ministre de la Santé Gaétan Barrette, qui rognent leurs profits. Et que l'offre de McKesson est à l'avenant. Et que pour certains, le contexte rend la proposition tentante.

« C'est sûr qu'on a eu beaucoup de chambardements dans le milieu de la pharmacie dans la dernière année. Ça a mis beaucoup de pharmacies en difficulté. Alors c'est sûr que vite de même, sur le coup, une vente amènerait des liquidités additionnelles qui feraient du bien à certains points de vente. Par contre, c'est quand même une compagnie québécoise qu'on perd », dit un autre pharmacien.

« Il y a deux côtés à la médaille. Ça peut bien paraître à court terme, mais sur le long terme c'est une défaite, selon moi. Je préférerais qu'Uniprix reste à nous autres et qu'on soit propriétaires, maîtres chez nous. »

Un autre se montre plus pragmatique. « C'est l'enseigne qui est vendue et non les points de vente. Alors pour moi, ça ne changerait absolument rien dans le day to day. »

Malgré tout, il ne sait pas s'il va vendre. Ni quelle sera l'issue du vote qui aura lieu le 16 mai. « Je ne sais pas pantoute. Je vous dirais que lors des votes qu'il y a eu ces dernières années pour diverses raisons... le feeling qu'on a est très différent du résultat final. »