Les rares chaussures Nike que deux frères montréalais ont tenté de vendre sur eBay pour 98 000 $ en 2012 leur ont finalement rapporté 86 700 $.

Thierry et Kevin Mofo ont appris hier qu'un juge leur avait donné raison contre le géant du commerce en ligne, qui les a empêchés de vendre pour 98 000 $ leurs souliers Air Foamposite Galaxy One de Nike, produits à seulement 1200 exemplaires, qu'ils avaient payés 316 $.

« On est très contents, parce que ça faisait quatre ans qu'on attendait une décision », a commenté Kevin Mofo, qui a qualifié le jugement de victoire de « David contre Goliath ».

« Comme consommateurs, on se sent parfois impuissants quand on est victimes d'une injustice de la part d'une grosse compagnie. Mais cette décision montre que si on est patients et déterminés, on a plus de pouvoir qu'on pense », se réjouit Kevin Mofo.

En février 2012, eBay avait interrompu avant sa conclusion l'enchère amorcée par les deux frères, qui avait atteint 98 000 $ en trois jours. Les dirigeants du site invoquaient un problème de violation de propriété intellectuelle.

Engouement monstre

Thierry Mofo, alors âgé de 20 ans, avait acheté pour 280 $ plus taxes les fameuses chaussures, offertes dans une poignée de boutiques en Amérique du Nord. Il avait fait la file pendant 30 heures, en plein hiver, devant le magasin Exclucity de Pierrefonds, pour mettre la main sur ce modèle exclusif, aux semelles qui brillent dans le noir, décoré d'un motif de voie lactée. Les amateurs se sont rués sur ces chaussures, mises en vente peu avant un match des étoiles de la National Basketball Association.

Les frères Mofo, élèves au collège Dawson, pensaient obtenir environ 1500 $ en revendant leur acquisition sur eBay. Ils ont été estomaqués de se faire offrir près de 100 000 $ par des acheteurs potentiels, mais cruellement désillusionnés quand le site a mis fin à l'envolée des enchères.

Ils ont déposé leur poursuite contre eBay au printemps 2012, pour récupérer l¹argent de la vente qu'ils n'ont pas pu compléter.

Au cours des procédures judiciaires, eBay s'est défendue en affirmant que la transaction leur semblait louche, puisqu'il s'agissait de la première vente faite par Kevin Mofo. L'entreprise a aussi affirmé que ses conditions d'utilisation lui permettaient d'interrompre les enchères à sa discrétion, ce qui est interdit par la loi.

Selon le tribunal, le site n'avait aucune raison valable d¹interrompre les enchères et doit dédommager les vendeurs pour leurs pertes. Les frères réclamaient 98 000 $, mais le juge a soustrait de ce montant la commission de 10 % qui aurait été payée à eBay, ainsi qu'une somme de 1500 $, que les vendeurs auraient pu obtenir en remettant en vente les chaussures un peu plus tard.

En appel ?

L'avocat Alexandre Thériault-Marois, du cabinet Stikeman Elliot, qui représente eBay, a indiqué qu'il discutait avec sa cliente de la possibilité de porter le jugement en appel.

eBay a d'abord tenté d'éviter ce procès en disant qu'elle ne pouvait être poursuivie devant les tribunaux québécois. L'entreprise est basée en Californie et c'est là que doivent être faites les réclamations des clients mécontents, tel que stipulé dans ses conditions d'utilisation, affirmait-elle. Elle a été déboutée en cour supérieure, puis en cour d'appel en 2013, ses conditions d'utilisation ayant été jugées abusives.

Kevin Mofo est maintenant photographe et vidéaste, alors que son frère Thierry a ouvert un salon de coiffure. Ils ne savent pas encore ce qu'ils feront de la somme que eBay leur doit, mais prévoient conserver les Nike Air Foamposite Galaxy One en souvenir de leur lutte.