Les efforts du géant de la rénovation domiciliaire Rona pour attirer les consommateurs plus à l'aise avec les technologies ont porté fruit récemment, lorsque le détaillant a temporairement remplacé sa circulaire imprimée par une initiative numérique.

La société affirme que ses ventes ont doublé dans ses magasins à travers le Canada lorsqu'elle a décidé d'éliminer sa circulaire imprimée dans le cadre d'un essai d'une semaine, en février.

Selon la vice-présidente au marketing de Rona, Claire Bara, l'augmentation des ventes était largement supérieure aux attentes de l'entreprise. En outre, l'initiative a cloué le bec de ceux qui, à l'interne, se montraient plus sceptiques face à la stratégie de trois ans visant à augmenter les dépenses en marketing numérique.

«Pour nous, je crois que cela a été un tournant parce que l'essai confirmait que les changements que nous avions mis en place étaient les bons», a-t-elle expliqué lors d'un entretien.

La circulaire numérique de 15 pages, créée pour la moitié des coûts habituels, en partenariat avec la plateforme de circulaires numériques Flipp, était bien plus grande que sa version imprimée habituelle.

Comme pour les circulaires traditionnelles, la version numérique faisait la promotion de produits en vente dans les magasins, tout en permettant aux lecteurs de cliquer sur certains liens pour avoir plus de détails, de faire des listes et de visionner des vidéos.

Rona pouvait en outre apprendre à mieux connaître ses consommateurs puisqu'elle pouvait obtenir des données sur ce qu'ils regardaient. Elle a ainsi pu constater qu'une vidéo sur l'installation d'une toilette avait été particulièrement populaire.

En outre, les circulaires numériques peuvent être facilement modifiées pour tenir compte de changements soudains dans les conditions météorologiques qui pourraient augmenter la popularité de certains articles - comme les pelles après une grosse tempête de neige, par exemple.

La circulaire numérique de Rona a été distribuée en ligne aux clients inscrits dans la base de données de l'entreprise et ceux qui sont inscrits au programme de fidélisation Air Miles. Elle était aussi disponible sur l'application Flipp et sur certains sites internet, incluant ceux de certains journaux canadiens.

Selon Mme Bara, le succès de l'expérience avec la circulaire numérique a aussi été confirmé par le nombre de coupons Air Miles qui ont été échangés en magasins. Les magasins Réno-Dépôt de Rona ne participaient pas à l'expérience.

La chaîne de pharmacies Jean Coutu a aussi connu un certain succès avec ses efforts dans le monde numérique. Le détaillant a vu ses ventes de cosmétiques grimper de cinq pour cent après avoir publié cette année, à deux reprises, une circulaire numérique de 20 pages avec des vidéos sur le site internet du journal «La Presse» et sur son application pour tablettes électroniques «La Presse+».

Selon le chef de la direction de Jean Coutu, François Coutu, cette initiative s'inscrivait dans les efforts de la société pour attirer la clientèle féminine plus jeune.

«Nous devons lutter contre l'idée voulant que nous soyons la pharmacie de ma mère», a-t-il récemment expliqué en marge de l'assemblée annuelle des actionnaires.

Pour Rona et Jean Coutu, les circulaires numériques s'inscrivent dans le cadre de plus larges efforts pour offrir des services aux consommateurs, qui sont de plus en plus exigeants.

«En tant que responsable du marketing, c'est très simple: j'ai besoin d'être là où se trouvent les consommateurs, et les consommateurs canadiens passent de plus en plus de temps en ligne», a expliqué Mme Bara.

Même si les circulaires numériques existent depuis plus de 10 ans, les détaillants ont accéléré leurs efforts depuis que des entreprises comme Flipp ont amélioré leur distribution par l'entremise d'applications et de sites internet, a expliqué le directeur général de Flipp, Seth Stover.

Selon l'entreprise torontoise, environ 15 millions de Nord-Américains ont téléchargé l'application Flipp depuis son lancement en novembre 2013. Celle-ci permet à ses utilisateurs d'accéder facilement aux circulaires numériques de détaillants comme Rona, Walmart, Canadian Tire et Home Depot.

Selon les résultats d'une récente étude de Nielsen, 79% des principaux consommateurs dans les ménages consultent des circulaires numériques et imprimées sur une base hebdomadaire. L'imprimé domine toujours, mais le recours aux annonces numériques croît chaque année au sein de toutes les catégories de la population, mais particulièrement chez les membres de la génération du millénaire.

Selon l'enquête, un Canadien sur quatre âgé de 18 à 54 ans lit plus de circulaires numériques maintenant qu'il le faisait il y a un an. Environ 16 pour cent des consommateurs des ménages canadiens utilisent presque exclusivement des circulaires numériques, mais cette proportion grimpe à 26 pour cent pour la génération du millénaire.

Cela ne signifie pas que les 13 millions de circulaires imprimées qui sont livrées chaque semaine aux ménages canadiens vont disparaître de sitôt.

«Les consommateurs canadiens vivent aujourd'hui dans deux mondes - le monde traditionnel et le monde en ligne - alors il faut garder un certain équilibre», a expliqué Mme Bara.

M. Stover croit que certains consommateurs ne délaisseront jamais les circulaires imprimées, mais il croit qu'une majorité se tournera exclusivement vers les documents numériques d'ici les trois prochaines années.

BrandSpark International, qui a effectué une étude pour l'imprimeur commercial Transcontinental, a observé une certaine résilience de la part des circulaires imprimées.

Selon son vice-président Mark Baltazar, le grand virage aura lieu lorsque la plus grande partie du public sera plus à l'aise avec les plateformes numériques, et lorsque le magasinage en ligne continuera à gagner en popularité.

Malgré le potentiel que cette situation représente à long terme pour Transcontinenta, cette dernière affirme que ses volumes de circulaires imprimées pour les détaillants restent stables et qu'elle continue à signer des contrats à long terme.

«Les circulaires imprimées sont un outil de marketing de masse qui fonctionne. Elles génèrent un achalandage dans les magasins», a pour sa part souligné la vice-présidente des communications de Transcontinental, Jennifer McCaughey.