Les clients de Costco ont souvent l'impression que c'est la veille de Noël quand ils s'y cherchent désespérément une place de stationnement. Et pour cause : les ventes du détaillant augmentent de deux à cinq fois plus vite que celles de ses concurrents directs. Une tendance observée depuis plusieurs trimestres. Constats et explications.

Au cours des six derniers mois, Costco a augmenté ses ventes comparables au Canada de 10 % par rapport à la même période un an plus tôt. Il s'agit d'une donnée clé dans l'industrie du détail, car elle exclut des facteurs de volatilité comme le prix de l'essence et la variation du nombre de magasins. Bref, on compare des pommes avec des pommes.

Ce résultat n'est pas qu'un soubresaut ponctuel. Il fait plutôt partie d'une tendance. Costco Canada affiche en effet des hausses de ventes comparables d'au moins 7 % depuis six trimestres, soit depuis septembre 2014. Les données plus anciennes n'ont jamais été divulguées par l'entreprise américaine.

Les concurrents ont de quoi être jaloux. Pendant ces 18 mois, Wal-Mart, Loblaw (Provigo et Maxi), Sobeys (IGA) et Metro (Super C) ont vu une augmentation des ventes comparables oscillant entre 0,9 et 4,5 %. Ce qui a récemment fait dire à l'analyste Keith Howlett, de Desjardins Marchés des capitaux, que le bond continuel des ventes de Costco est « exceptionnel ». L'expert évalue que de 55 à 60 % de la marchandise qui y est offerte l'est aussi dans les supermarchés.

Un coup d'oeil aux plus récents résultats trimestriels de ces détaillants démontre clairement l'écart entre Costco et ses concurrents.

Augmentation des ventes comparables des cinq plus importants détaillants en alimentation au Canada (dernier trimestre rapporté)

• Sobeys* + 0,9 %

• Loblaw** + 2,8 %

• Metro + 2,8 %

• Wal-Mart Canada + 4,3 %

• Costco Canada*** + 10 %

• * Résultat excluant les ventes d'essence

• ** Résultat excluant les ventes d'essence et de tabac

• *** Résultat excluant l'impact de la valeur du dollar canadien par rapport au dollar américain et l'impact du prix de l'essence. 

Sources : Desjardins Marché des capitaux et rapports financiers des entreprises

L'augmentation constante des ventes de Costco (90 magasins au pays) lui a permis de gagner des parts de marché dans le secteur canadien de l'alimentation, affirme l'analyste Peter Sklar, de BMO Marchés des capitaux. Il les évalue à 10 % (ex aequo avec Wal-Mart) et note que ce sont d'importantes menaces pour les épiciers traditionnels.

« Ce qui est fascinant, c'est qu'il y a presque deux fois plus de Costco par habitant au Canada (1/400 000 habitants) qu'aux États-Unis (1/666 000 habitants). Les Canadiens sont donc plus réceptifs, même si c'est un détaillant américain. Il faut dire qu'il n'y a pas de Sam's Club au Canada [concept similaire qui appartient à Wal-Mart] », explique Craig Patterson, directeur de la recherche à la School of Retailing de l'Université de l'Alberta.

Inflation et bonnes affaires

Comment expliquer la popularité de Costco ? L'entreprise a-t-elle changé sa stratégie, son offre, son marchandisage, ses prix ? Les dirigeants canadiens ont refusé de répondre à la question.

Une partie de ces augmentations est forcément attribuable à l'inflation, surtout alimentaire. Selon Metro, elle aurait atteint 2,8 % au cours du trimestre terminé à la mi-décembre. La semaine dernière, Loblaw a indiqué que l'inflation au cours de son 4trimestre clos le 2 janvier avait « légèrement dépassé » le chiffre de 4,1 % calculé par Statistique Canada pour la période.

Mais la hausse des prix n'explique pas tout. Le climat d'austérité et le ralentissement économique favorisent Costco, explique JoAnne Labrecque, experte en commerce de détail à HEC Montréal. 

« Le revenu disponible du consommateur n'augmente pas depuis des années, même qu'il a diminué l'an dernier. Donc, la popularité du segment des magasins à prix réduit augmente beaucoup. »

Même les plus fortunés sont séduits par l'idée de faire une bonne affaire, ajoute l'universitaire. « Ce n'est pas parce que tu as de l'argent que tu vas accepter de payer un dollar de plus pour tes tomates. »

Merci à Sears, Target et Wal-Mart

Pour Jean-Daniel Brisson, consultant en stratégie d'entreprises spécialisé dans le secteur de l'agroalimentaire, l'inflation alimentaire fait assurément partie de la réponse. « Avec le panier d'épicerie qui coûte de plus en plus cher, surtout la viande et les légumes, les consommateurs pensent qu'ils vont pouvoir économiser chez Costco. Je ne vois pas autre chose. »

Le départ de Target, il y a un an, de même que « la faiblesse de Sears » avantagent Costco, analyse François Desrosiers, président d'Interim Marketing et expert du secteur de l'alimentation. Le détaillant peut aussi dire merci à Wal-Mart, qui multiplie les ouvertures de Supercentres (magasins comprenant une épicerie), croit-il. « Il y a un effet d'entraînement. Plus ils ouvrent de Supercentres, plus ils éduquent la clientèle au fait qu'on peut s'approvisionner en aliments dans une grande surface. Ce n'est pas contre-productif pour Costco. »

Comme l'a déjà écrit le magazine spécialisé Canadian Grocer, Costco n'a peut-être qu'une seule faiblesse : ils ne savent pas comment construire des stationnements assez grands.

Ventes comparables de Costco et de Wal-Mart au Canada

• Dernier trimestre :  + 10 % /+ 4,3 %

• Trimestre précédent :  + 9 %/+ 4,3 %

• Il y a deux trimestres : + 7 %/+ 3,9 %

• Il y a trois trimestres :  + 9 %/+ 1,8 %

• Il y a quatre trimestres :+ 9 %/+ 1,8 %

• Il y a cinq trimestres :  + 8 %/+ 0,6 %

Sources : Desjardins Marchés des capitaux, Wal-Mart et Costco

Résultats de Costco

(2e trimestre clos le 14 février 2016)

• Ventes au détail: 27,6 milliards US (+ 3 %)

• Vente de cartes de membres: 603 millions US (+ 3,6 %)

• Bénéfice net: 546 millions US (- 8,7 %)

• Ventes comparables aux États-Unis: 4 % (en excluant l'impact du prix de l'essence)