Le Groupe Aldo et son ancien grand responsable du développement des produits sont engagés dans une lutte sans merci devant les tribunaux sur fond d'allégations de jalousies internes, de fortunes cachées et de juteux pots-de-vin.

La dernière salve à être tirée remonte à la semaine dernière. Le Groupe Aldo a déposé une poursuite en Cour supérieure contre Dimitri Mavridakis, ancien vice-président responsable des achats et du développement des produits au sein de la multinationale de la chaussure.

L'entreprise prétend avoir découvert en 2013 que Mavridakis avait possédé un compte à la Banque HSBC à Hong Kong dans lequel il avait reçu l'équivalent de 440 000 $ de la part de fournisseurs et sous-traitants d'Aldo en Chine et ailleurs. L'argent aurait été amassé personnellement par Mavridakis et caché à l'entreprise.

Le Groupe Aldo demande donc au tribunal de condamner l'ancien cadre à lui verser toute somme qu'il aurait reçue des fournisseurs ou sous-traitants en contravention avec ses devoirs de gestionnaire.

HISTOIRES DE FAMILLE

La version de Dimitri Mavridakis est tout autre.

L'ancien cadre avait lui-même déposé une requête en cour l'an dernier pour forcer son ancien employeur à lui verser 3,2 millions en indemnisation à la suite de son congédiement qu'il juge injustifié. Mais ce n'est pas tout. Il veut faire reconnaître ses droits sur 2 % des actions du holding familial qui possède le Groupe Aldo.

L'ancien vice-président explique avoir commencé en 1996 au sein de l'entreprise et avoir rapidement gravi les échelons. Devenu responsable des achats et du développement des produits, il est entré dans le cercle des intimes du fondateur du groupe, Aldo Bensadoun.

Les deux hommes auraient commencé à partir en vacances ensemble en jet privé, à destination des propriétés de M. Bensadoun au Vermont ou à Saint-Martin, dans les Antilles. Mavridakis affirme qu'il avait accès au docteur personnel de M. Bensadoun et qu'il était encouragé à investir avec lui. Il raconte aussi avoir reçu des prêts sans intérêt pour acheter ses deux maisons, l'une à Westmount et l'autre à la campagne.

En 2007, lorsqu'il s'est engagé à rester 15 ans de plus au sein du groupe, il aurait reçu 2 % des parts du holding qui possède Aldo. Il affirme d'ailleurs avoir dû signer une entente de confidentialité pour cacher l'affaire à Réjean Dionne, le président de l'entreprise à l'époque, qui ne jouissait pas des mêmes largesses.

LUTTE DE POUVOIR

Dans sa requête, M. Mavridakis affirme toutefois qu'en parallèle, « une lutte de pouvoir s'est développée avec les membres de la famille immédiate [d'Aldo Bensadoun] ».

Il ajoute qu'il « sentait que des membres de la famille voulaient limiter ses responsabilités et son influence ».

En 2012, le fils d'Aldo Bensadoun, David, est devenu président des divisions Ventes au détail et Produits et services du groupe. L'année suivante, M. Mavridakis affirme avoir été convoqué à une réunion où on l'a faussement accusé d'avoir accepté des commissions secrètes et des pots-de-vin de fournisseurs choisis pour alimenter le groupe. On l'a ensuite mis à la porte.

« Le timing de sa suspension en février 2013 et de son renvoi en avril 2013 suggère que cela pourrait être dû à l'animosité de David Bensadoun », précise sa requête.

L'ancien cadre demande donc au tribunal de forcer son ancien employeur à lui verser les dividendes pour ses actions et à reconnaître ses droits sur 2 % des actions du groupe, dont la valeur était estimée à plus de 30 millions il y a une dizaine d'années.

Ni le Groupe Aldo ni l'avocat de Dimitri Mavridakis n'ont voulu commenter hier. Aucune date n'a été fixée pour le procès pour le moment.

Photo André Pichette, archives La Presse

Aldo Bensadoun, fondateur du Groupe Aldo