Jacob, Parasuco, Laura: autant d'entreprises de mode québécoises qui se sont résolues à se protéger de leurs créanciers et à fermer des magasins au cours de la dernière année.

L'ambiance est plus réjouissante chez Simons, qui ouvre ce matin son dixième magasin, cette fois à Gatineau, tout en planifiant l'ouverture d'au moins huit autres magasins au Canada d'ici 2019. Une phase d'expansion ambitieuse - la plus importante depuis la création de l'entreprise en 1840 - qui n'empêche toutefois pas le président Peter Simons de se méfier de la «nouvelle réalité des affaires», celle qui donne tant de difficultés à plusieurs de ses concurrents.

«Le client est intelligent, il faut lui offrir quelque chose de classe mondiale. C'est la nouvelle réalité des affaires», tranche le président de La Maison Simons.

«Tout est fragile»

D'un naturel prudent, Peter Simons rappelle que «tout est fragile», dans le commerce de détail comme dans d'autres industries. «Ce n'est pas 100 ans qui assurent votre existence. Regardez tout l'investissement dans La Presse+ : il n'y aura plus de journal papier dans cinq ans. Tu peux résister au changement, mais tu vas mourir», dit Peter Simons.

Comme tout le monde, Peter Simons voit défiler les mauvaises nouvelles pour les entreprises québécoises de mode et de commerce de détail: Jacob, Parasuco et Laura ont toutes été contraintes de fermer des magasins et de se restructurer (Laura n'a pas encore annoncé le nombre d'établissements qui fermeront). La morosité touche aussi les chaînes étrangères. En 2015, Target a quitté le Canada, Mexx a fermé ses 95 magasins au pays, Gap a réduit son nombre de magasins de 960 à 800 en Amérique du Nord, et l'année n'est pas encore terminée.

«C'est une industrie extrêmement compétitive, dit Peter Simons. [...] C'est plus difficile qu'il y a 10 ou 20 ans, car la concurrence est de plus en plus intense. Si vous n'êtes pas prêt à investir, à sacrifier aujourd'hui pour le long terme, vous tombez rapidement en arrière. [...] Mon frère et moi avons pris le risque entrepreneurial qu'on peut construire une entreprise de classe mondiale basée ici. Nous avons les gens et la créativité pour le faire, mais il reste de moins en moins de ces entreprises.»

L'expansion canadienne de Simons devrait faire passer le chiffre d'affaires annuel de l'entreprise d'environ 350 à 700 millions d'ici 2019. Mais si elle veut conquérir le Canada anglais, Simons veut aussi conserver sa philosophie d'entreprise familiale qui ne veut pas grossir à tout prix. «Nous voulons ouvrir plus de magasins pour mettre en marche des projets avec des designers, nous manquions un peu de taille pour faire ça, dit Peter Simons. Ce n'est pas juste d'être gros avec des magasins à chaque coin de rue, comme Starbucks ou d'autres grosses chaînes américaines. Une entreprise familiale aborde la chose différemment: nous cherchons des partenaires à long terme, nous voulons être fiers, car notre nom est sur la porte. [...] Et même après tout ça [l'expansion au Canada anglais], nous resterons minuscules, nous demeurerons un petit détaillant privé canadien.»

Après Gatineau, l'ouest de l'île de Montréal?

En inaugurant ce matin à Gatineau son neuvième magasin au Québec, Simons a-t-elle fait sa dernière inauguration de magasin en sol québécois? Pas nécessairement. Peter Simons jongle avec l'idée d'implanter un magasin Simons dans l'ouest de l'île de Montréal. Le promoteur immobilier Cadillac Fairview, que Simons connaît bien puisqu'il a des magasins dans ses trois centres commerciaux de la grande région de Montréal, est notamment propriétaire du centre d'achat Fairview Pointe-Claire, dans l'ouest de l'île. Mais avant de discuter sérieusement avec des partenaires, le président de la Maison Simons veut réfléchir à savoir s'il y a là un marché pour un magasin Simons. Il est toutefois encouragé par les résultats du magasin des Galeries d'Anjou, lui qui se posait des questions similaires avant d'ouvrir ce magasin en 2013. Au Canada anglais, Simons a prévu l'ouverture de huit nouveaux magasins à Ottawa, Toronto, Calgary, Edmonton et Vancouver d'ici 2019. L'entreprise réfléchit aussi à la possibilité d'ouvrir des magasins à Regina, Saskatoon et Winnipeg mais aucune décision n'a encore été prise à cet égard.

À la recherche de l'algorithme parfait

Le commerce de détail se complexifie. Si bien que ces jours-ci, Peter Simons a autant la tête aux algorithmes qu'à ses prochaines collections de vêtements. C'est qu'avec l'aide d'un mathématicien - dont il préfère taire le nom -, Peter Simons veut mettre au point une formule mathématique pour l'approvisionnement de ses magasins. «Avant, c'était un modèle simple. Aujourd'hui, on travaille avec un savant russe pour développer un algorithme», dit Peter Simons.

Simons teste aussi la technologie iBeacon d'Apple, qui permet notamment aux clients de reconnaître les vêtements portés par les mannequins en magasin. Et au printemps prochain, toutes les caisses seront munies de tablettes numériques. «Les magasins physiques évoluent rapidement, tout comme la plateforme de commerce électronique», dit Peter Simons, dont l'entreprise familiale a un chiffre d'affaires supérieur à 350 millions de dollars.