Plus de 460 magasins des deux côtés de l'Atlantique, des ventes combinées de 13 milliards de dollars et un portefeuille immobilier évalué à plus de 11 milliards. La Baie d'Hudson (HBC) a confirmé ses visées internationales, lundi, avec l'acquisition du détaillant allemand Galeria Kaufhof pour 3,9 milliards.

« En plus d'acheter une excellente entreprise de commerce de détail, HBC acquiert un portefeuille immobilier extrêmement désirable grâce aux emplacements exceptionnels occupés par ces magasins à rayons historiques », a affirmé avec enthousiasme Richard Baker, président exécutif de HBC, pendant une conférence téléphonique.

Si la transaction reçoit l'aval des autorités, HBC mettra la main sur 119 magasins en Allemagne et 16 autres en Belgique. Il s'agira de la première incursion du groupe torontois en Europe, moins de deux ans après le rachat fort médiatisé du détaillant Saks Fifth Avenue aux États-Unis pour 2,4 milliards.

LA CLÉ : L'IMMOBILIER

Pour financer cette acquisition, HBC entend capitaliser sur la valeur foncière élevée de ses nouveaux magasins allemands. Les 40 meilleurs immeubles de Galeria Kaufhof - situés notamment dans les centres-ville historiques de Berlin, Cologne et Dusseldorf - seront revendus à une coentreprise formée par HBC et le groupe new-yorkais Simon Property pour 3,3 milliards.

Des baux seront signés pour pouvoir continuer à occuper les immeubles ainsi cédés. « C'est une façon de déverrouiller la valeur contenue dans le terrain et les bâtiments où se trouvent les magasins », a expliqué David Soberman, professeur de marketing à la Rotman School of Management de l'Université de Toronto.

HBC a réalisé un bon coup similaire avec l'acquisition de Saks Fifth Avenue. L'immeuble historique du groupe, situé au coeur de Manhattan, a été évalué à 3,7 milliards US l'an dernier. C'est plus cher que ce que HBC a payé pour le réseau entier de Saks un an plus tôt !

L'homme d'affaires Richard Baker avait utilisé le même stratagème en 2008 au Canada lorsqu'il avait racheté HBC, alors composé de La Baie et de Zellers, pour 1,1 milliard. Trois ans plus tard, il a revendu les baux de Zellers à Target pour 1,8 milliard. 

L'entreprise - cotée à la Bourse de Toronto mais contrôlée par des intérêts américains - a rentabilisé encore davantage l'acquisition de HBC l'an dernier, en vendant le magasin phare de La Baie et un immeuble de bureaux du centre-ville de Toronto pour 650 millions.

« L'expertise » acquise par HBC a sans doute joué un rôle-clé dans sa plus récente acquisition européenne, estime le professeur David Soberman. « Si on a cette capacité, un tel savoir-faire, c'est quelque chose qu'on peut utiliser lorsqu'on arrive dans un autre marché pour rentabiliser une transaction. »

INVESTISSEURS HEUREUX

Le grand patron de HBC l'a souligné lundi : l'acquisition de Galeria Kaufhof intervient après une étude approfondie de plusieurs années du marché européen.

« Cette transaction stimulante reflète parfaitement notre stratégie de croissance et constitue un investissement judicieux réalisé au bon moment », a affirmé Richard Baker, grand patron de HBC.

HBC pourrait profiter de cette transaction pour faire pénétrer la marque Saks en Europe, a-t-il indiqué. Le groupe devra toutefois composer avec un secteur du commerce de détail assez stagnant en Allemagne, où les grands magasins comme Galeria Kaufhof - fondés il y a 135 ans - ont du mal à concurrencer les centres commerciaux modernes et les achats en ligne, ont observé des analystes.

HBC s'est engagé à garder les 21 500 employés de l'entreprise et l'équipe de direction actuelle, ainsi qu'à maintenir le siège social à Cologne. La transaction devrait être finalisée d'ici la fin septembre.

Les investisseurs de HBC ont applaudi. Le titre de l'entreprise a gagné 7,9 % à la Bourse de Toronto, pour clôturer à 25,89 $. Les actionnaires de METRO AG, le groupe allemand qui lui cède ses magasins, ont moins apprécié. L'action a perdu 4,6 % à la Bourse de Francfort.

LA « RECETTE » LA BAIE

Considérée comme cliniquement morte par plusieurs au milieu des années 2000, La Baie d'Hudson a connu depuis l'un des revirements les plus spectaculaires de l'histoire canadienne du commerce de détail. La chaîne a retrouvé la faveur - voire l'affection - des consommateurs d'un bout à l'autre du pays, en plus de générer des millions en profits pour son nouveau propriétaire.

« Je donne souvent La Baie comme l'exemple d'une entreprise qui a su se transformer et se renouveler », indique Naoufel Remili, professeur à l'École supérieure de mode de l'UQAM.

La plus vieille entreprise en Amérique du Nord, fondée en 1670, apparaissait à la dérive lorsqu'elle a été rachetée en 2008. Son image était empoussiérée et plutôt bas de gamme, avec une multitude de marques privées d'assez mauvaise qualité, note M. Remili.

La décision du groupe HBC de se départir de l'enseigne à rabais Zellers a marqué le véritable tournant pour La Baie, estime l'expert. À partir de ce moment, le détaillant a recentré ses efforts vers le milieu et le haut de gamme. Plusieurs marques inédites au pays ont été ajoutées, comme Top Shop et Material Girl de Madonna. Les clients sont revenus en masse.

En parallèle, La Baie a profité de la déconfiture de certains de ses concurrents, note David Soberman, professeur de marketing à la Rotman School of Management de l'Université de Toronto. Target a fermé tous ses magasins après une courte incursion au Canada l'an dernier, et Sears traverse encore une période très difficile.

Au premier trimestre de cette année, le groupe HBC (la société mère de La Baie) a affiché des ventes de 2,1 milliards de dollars, en hausse de 11,7 %.