La Société des alcools du Québec (SAQ) a retiré de ses tablettes une grande partie de ses vins à moins de 15$, ces dernières années. Or, une entreprise européenne entend profiter de la brèche pour convaincre les Québécois de précommander leurs vins sur son site internet et de les recevoir directement à leur porte.

Trop beau pour être vrai? Le modèle d'affaires proposé soulève en tout cas beaucoup de questions dans l'industrie. La réponse finale viendra sans doute du monopole d'État.

Sur qc.vinilicieux.com, il est actuellement possible de précommander deux bouteilles du Domaine St-Georges AOC Minervois 2012 pour 30,50$, taxes et livraison à la porte incluses. Actuellement, le catalogue propose 186 vins, français et italiens pour la plupart.

«Tout est légal», assure John Karl Robin, responsable stratégique et marketing export de la société européenne Grape in the Bottle, qui exploite les marques Vinilicieux et Winecious.ca. La Presse l'a rencontré hier dans un café.

Les vins précommandés sur la plateforme «vinilicieux» sont commandés en importation privée par un agent dûment enregistré à la Société des alcools. Le monopole prélève sa majoration comme pour tous les vins vendus au Québec.

«Nous ne vendons pas directement, nous faisons des préventes, donc des bons de commande que nos agents partenaires envoient à la SAQ pour l'achat des marchandises», explique-t-il. Les clients doivent toutefois payer le montant sur le site Winecious dès le moment de la prévente.

L'entreprise dépense 500$ par jour en promotion sur Facebook. Elle dit avoir reçu des précommandes pour 4000 bouteilles depuis le début d'avril.

Dans l'état actuel des choses, Winecious est une jeune pousse qui tente de dynamiser la commercialisation des vins par le truchement du commerce électronique. Elle doit toutefois faire ses preuves. Au moment d'écrire ces lignes, son agent n'a pas encore passé sa première commande.

Quant à la société mère Grape in the Bottle, elle exploite une plateforme de commercialisation de produits de vignerons indépendants en France depuis cinq ans, selon M. Robin. Elle y vend environ 800 bouteilles par semaine. Ni Grape, ni vinilicieux, ni Winecious n'apparaissent au registre des entreprises du Québec.

La SAQ suit le dossier

À la SAQ, on préfère attendre avant de se prononcer sur la légalité du projet. «Nous connaissons Winecious depuis un an. Son modèle d'affaires a énormément évolué. Au moment où l'on se parle, trop de questions restent en suspens pour que l'on se prononce, dit Renaud Dugas, responsable des relations de presse. On suit le dossier de très près.»

La SAQ avait bloqué les vins de Winecious l'été dernier quand la société tentait d'importer du vin sans passer par la SAQ. Ce modèle d'affaires a depuis été abandonné, soutient M. Robin. Il dit avoir absorbé une perte sèche de 6000$ à cette occasion. Par rapport aux autres importateurs privés, qui desservent les restaurateurs en général, Winecious se démarque par un court délai de livraison - un mois au lieu de trois -, une gamme de produits grand public, et une livraison à domicile même pour des petites quantités.

Dans le milieu du vin, le scepticisme est de rigueur. «Il y a plusieurs zones grises dans le modèle d'affaires de Winecious, notamment en ce qui concerne les petites quantités et la livraison à domicile», dit Geneviève Boucher, ambassadrice de marques chez l'agent Rezin. Elle a participé à une discussion animée portant sur Winecious sur le forum Fouduvin.ca en mars dernier.

Alors, trop beau pour être vrai? On verra à l'usage. Son agent s'apprête à passer une première commande. La cargaison devrait arriver à la fin de mai. On en saura alors plus sur la validité du modèle et sur la qualité des produits proposés.

De son côté, la SAQ a rajusté le tir à l'égard des vins bon marché. D'ici septembre, elle veut offrir au catalogue général 138 produits à moins de 12$, soit le même nombre qu'en 2012. Ce nombre était tombé à 77 en août dernier.